La situation s'envenime en Syrie
Des bombardements de l'armée syrienne ont ensanglanté vendredi Alep et Homs. Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, doit s'entretenir à Istanbul avec le président Abdullah Gül pour évoquer le soutien à l'opposition syrienne, l'aide humanitaire et un scénario de transition politique.
Des bombardements de l'armée syrienne ont ensanglanté vendredi Alep et Homs, faisant au moins 30 morts et un grand nombre de blessés dans ces deux villes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine, est arrivée dans la nuit de vendredi à samedi en Turquie pour discuter du conflit en Syrie, a constaté un journaliste de l'AFP. La secrétaire d'Etat doit s'entretenir à Istanbul avec le président Abdullah Gül et le chef du gouvernement Recep Tayyip Erdogan, avec lesquels elle évoquera le soutien à l'opposition syrienne, l'aide humanitaire et un scénario de transition politique.
A New York, Lakhdar Brahimi, un diplomate algérien rompu aux missions délicates, était pressenti pour remplacer Kofi Annan comme émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie, malgré les divergences persistantes sur ce dossier au sein du Conseil de sécurité ayant conduit M. Annan à jeter l'éponge la semaine dernière. Selon l'ambassadeur français à l'Onu, Gérard Araud, le successeur de Kofi Annan devrait être nommé lundi ou mardi.
Les Etats-Unis ont de leur côté accusé le parti chiite libanais Hezbollah de jouer un « rôle central » dans la répression en Syrie et annoncé des sanctions contre une compagnie pétrolière syrienne d'Etat, Sytrol, en raison de ses relations commerciales avec l'Iran, l'allié de Damas et lui-même sous le coup de sanctions occidentales pour son programme nucléaire controversé.
A Alep, des combats très violents se poursuivaient pour le contrôle de la deuxième ville de Syrie, poumon économique du pays proche de la frontière turque. Les autorités ont affirmé avoir repoussé une attaque rebelle contre l'aéroport international de la ville, théâtre de combats depuis le 20 juillet. Dans un quartier tenu par les rebelles, Tariq al-Bab (est), un obus est tombé sur une boulangerie où des centaines de Syriens faisaient la queue, faisant une dizaine de morts, dont trois enfants, selon des journalistes de l'AFP.
« Donnez-nous des armes antiaériennes »
Par ailleurs, une manifestation organisée après la prière comme tous les vendredis depuis le début de la révolte en mars 2011 a été violemment réprimée dans un quartier sous contrôle de l'armée, le Nouvel Alep. Celle-ci a ouvert le feu sur la foule, tuant un étudiant de 19 ans, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Alors que les positions rebelles sont bombardées par voies terrestre et aérienne, les manifestations se sont déroulées sous un slogan en forme d'appel à la communauté internationale: « Donnez-nous des armes antiaériennes ».
A Alep, des accrochages ont eu lieu dans le quartier emblématique de Salaheddine (sud-ouest), d'où les insurgés avaient effectué la veille un « retrait tactique » face aux bombardements intenses de l'armée. « Nous sommes toujours là, à Salaheddine », a déclaré à l'AFP un combattant rebelle sous couvert de l'anonymat, à une centaine de mètres du rond-point central du quartier, tenu par l'armée régulière. « Notre but est d'empêcher leur troupes d'avancer », a-t-il expliqué. Dans le quartier Hanano, quatre bombes larguées par un Mig 21 sont tombées à l'aube dans la cour du QG de l'ASL et sur un immeuble d'habitations où il y a eu plusieurs blessés, selon des journalistes de l'AFP.
Très remontés, les habitants ont crié leur colère contre les Etats-unis et la France qui soutiennent pourtant la rébellion. « Personne ne nous aide », ont-ils lancé. A Homs dans les centre du pays, l'armée a pilonné l'enclave rebelle de Khaldiyé, faisant des « dizaines de morts et de blessés » selon l'OSDH. Au total, les violences ont causé la mort d'au moins 103 personnes, dont 55 civils, 31 soldats et 17 rebelles selon l'OSDH. Près de Damas, trois journalistes syriens travaillant pour une chaîne d'Etat syrienne ont été capturés par les rebelles alors qu'ils accompagnaient l'armée dans une opération, selon l'OSDH. Human Rights Watch a appelé vendredi les belligérants à « respecter les lois de guerre » en ne visant pas les civils et en ne menant pas d'attaques indiscriminées.
Des milliers de déplacés
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s'est alarmé de la situation humanitaire à Alep. « Des milliers de personnes ont quitté leur domicile et commencent à se réfugier dans des bâtiments publics », a indiqué Marianne Gasser, chef de la délégation du CICR en Syrie, ajoutant que plus de 80 écoles accueillaient des déplacés. Le CICR est d'autant plus inquiet que « le Croissant rouge syrien a dû suspendre la plupart de ses activités en raison du danger extrême ». Selon le CICR, « des dizaines de bénévoles » continuent cependant de livrer de la nourriture.
Alors que sa nomination comme médiateur est attendue en début de semaine prochaine, l'ancien chef de la diplomatie algérienne Lakhdar Brahimi, 78 ans, a appelé « le Conseil de sécurité de l'ONU et les Etats de la région à s'unir pour permettre une transition politique dès que possible » en Syrie. Le Conseil de sécurité n'a pas réussi jusqu'à maintenant à voter toute résolution condamnant le régime syrien en raison des divergences entre les Occidentaux et la Russie. L'imam de La Mecque, premier lieu saint de l'islam, a exhorté les participants au sommet islamique prévu mardi dans la ville sainte, à faire preuve de fermeté à l'égard du régime en Syrie, qu'il accuse de « génocide ». Près de 17 mois après le début de la révolte, les violences ont fait plus de 21.000 morts en Syrie, selon l'OSDH.
Source AFP
La bataille pour le contrôle de la ville stratégique syrienne d'Alep continuait à faire rage samedi entre soldats et rebelles, non loin de la frontière avec la Turquie où la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton se trouvait pour évoquer le conflit en Syrie.
Outre les combats à Alep, de violents accrochages ont en outre repris entre soldats et rebelles dans un quartier de Damas, alors que l'armée bombardait à l'artillerie des localités proches de la capitale syrienne, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des militants.
Syrie: combats à Alep et Damas, Hillary Clinton en Turquie
La bataille pour le contrôle de la ville stratégique syrienne d'Alep continuait à faire rage samedi entre soldats et rebelles, non loin de la frontière avec la Turquie où la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton se trouvait pour évoquer le conflit en Syrie.
Outre les combats à Alep, de violents accrochages ont en outre repris entre soldats et rebelles dans un quartier de Damas, alors que l'armée bombardait à l'artillerie des localités proches de la capitale syrienne, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des militants.
A Alep, deuxième ville du pays située à 355 km au nord de Damas, les combats se poursuivent sans relâche depuis le lancement le 8 août par les troupes du régime de Bachar al-Assad d'une offensive terrestre contre le principal bastion rebelle de Salaheddine.
L'armée affirme avoir repris le contrôle de Salaheddine et les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) ont dit avoir opéré un "repli tactique", mais des combats se déroulent encore dans certains secteurs du quartier.
"L'ASL a réussi à reprendre quelques positions stratégiques à Salaheddine", a déclaré Abdel Qader Saleh, un commandant de l'ASL, formée de déserteurs et de civils ayant pris les armes.
"Les combats sont violents et ne se sont pas arrêtés depuis 24 heures. Plusieurs secteurs d'Alep sont soumis à un pilonnage", a ajouté ce chef des opérations du bataillon "Tawhid" dans la région d'Alep.
Selon l'OSDH, le quartier al-Sukkari (sud), proche de Salaheddine, était la cible d'un violent pilonnage de l'armée qui semble se préparer à lancer une opération d'envergure pour reprendre ce bastion rebelle.
La bataille d'Alep, poumon économique du pays, a été présentée comme cruciale par le régime syrien qui reste déterminé à étouffer le mouvement de contestation lancé en mars 2011.
Reprise des combats à Damas
La Croix-Rouge internationale s'est alarmée de la situation humanitaire à Alep où "des milliers de personnes ont quitté leur domicile et commencent à se réfugier dans des bâtiments publics", et où plus de 80 écoles accueillaient des déplacés.
A Damas, les combats se déroulaient à Tadamoun (sud), quartier dont l'armée avait annoncé la reprise il y a une semaine, a précisé l'OSDH et les Comités locaux de coordination (LCC), un réseau de militants sur le terrain.
Des tirs et des explosions étaient en outre entendus dans le quartier Al-Qaboun et des roquettes sont tombées dans le quartier de Joubeïr (est).
L'armée syrienne a annoncé le 4 août avoir repris le contrôle entier de la capitale après de violents combats avec l'ASL.
En outre l'armée a bombardé plusieurs localités de la province de Damas, d'où les habitants ont commencé à fuir, selon l'OSDH.
Ces violences interviennent au lendemain d'une nouvelle journée sanglante en Syrie durant laquelle au moins 187 personnes ont été tuées, en majorité des civils, selon un bilan fourni par cette ONG syrienne basée en Grande-Bretagne.
On restait par ailleurs sans nouvelles de trois journalistes syriens travaillant pour une chaîne d'Etat syrienne qui ont été capturés par les rebelles alors qu'ils accompagnaient l'armée dans une opération près de Damas selon l'OSDH.
Clinton en Turquie
A une cinquantaine de km d'Alep, dans la Turquie voisine, Hillary Clinton devait s'entretenir avec le président Abdullah Gül et le chef du gouvernement Recep Tayyip Erdogan du soutien à l'opposition syrienne, de l'aide humanitaire et du scénario d'une transition politique.
Aussi bien les Etats-Unis que la Turquie appuient l'opposition syrienne et réclament un départ de M. Assad.
Mme Clinton doit aussi rencontrer à Istanbul des membres de l'opposition syrienne et des représentants de dizaines de milliers de réfugiés syriens en Turquie.
Les Etats-Unis avaient accusé vendredi le parti chiite libanais Hezbollah, un allié du régime syrien, de jouer un "rôle central" dans la répression en Syrie et annoncé de nouvelles sanctions contre la Syrie.
Alors que sa nomination comme médiateur dans le conflit syrien est attendue lundi ou mardi, l'ancien chef de la diplomatie algérienne Lakhdar Brahimi, 78 ans, a appelé "le Conseil de sécurité de l'ONU et les Etats de la région à s'unir pour permettre une transition politique dès que possible" en Syrie.
M. Brahimi, un diplomate algérien, est pressenti pour remplacer Kofi Annan comme émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie, qui a jeté l'éponge la semaine dernière en raison des divergences persistantes sur ce dossier au sein du Conseil de sécurité divisé entre Russes et Occidentaux.
Près de 17 mois après le début de la révolte, les violences ont fait plus de 21.000 morts en Syrie, selon l'OSDH.
Défections en Syrie. Bachar Al Assad colmate les brèches
Plus inquiet que certains voudraient croire sur sa capacité à maintenir durablement à flot son régime, Bachar Al Assad a pris, au cours des jours écoulés, un certain nombre de mesures. Il espère qu’elles suffiront à atténuer l’hémorragie en voie d’accélération de personnalités emblématiques et de hauts responsables civils et militaires de son pays, peu soucieux de le suivre jusqu’au bout dans son aventure. Certes, cette hémorragie n’est pas encore cataclysmique. Mais, dans un pays tenu d’une poigne de fer comme la Syrie, elle confirme la montée des doutes et des interrogations. Surtout, elle annonce l’heure des grandes décisions pour ceux qui, connaissant le capitaine du "Syria Discordia", redoutent que, l’heure venue, plutôt que de répondre de ses faits et gestes, de ses erreurs et de ses crimes devant la Justice, le Francesco Schettino syrien préfère conduire son bateau vers la haute mer pour y sombrer corps et biens avec son équipage et ses passagers.
Le site All4Syria, dont le créateur et rédacteur en chef, ancien baathiste, dispose de sources bien informées au plus haut niveau de l’Etat, y compris parmi le personnel de la Présidence de la République, nous apprend ainsi que, suite à la défection du Premier ministre Riyad Hijab, deux mois à peine après sa désignation (le 6 juin 2012) à la tête d’un nouveau gouvernement, Bachar Al Assad a ordonné (le 6 août) la mise en place d’une commission d’enquête. Il l’a chargée de faire la lumière sur les disfonctionnements qui ont permis cette fuite en forme de camouflet. Un camouflet pour lui-même, trahi par celui auquel il avait octroyé une marque de confiance particulière en le préférant à son prédécesseur, Adel Safar, après quatorze mois seulement d’exercice. Il l’avait chargé de diriger le premier gouvernement "pluraliste" de la Syrie baathiste, qui incluait parmi ses ministres deux chefs de partis politiques censés échapper à la tutelle du parti unique, Qadri Jamil et Ali Haydar, choisis pour leur souplesse et pour la capacité à encaisser les humiliations dont ils avaient fait montre lors des élections législatives des 6 et 7 mai précédent. Un camouflet pour ses services de renseignements, puisque dans la Syrie des Al Assad père et fils, ce sont eux qui ont le dernier mot lors du choix et de la désignation de la totalité des fonctionnaires qui, du chef du gouvernement au dernier des ambassadeurs, en passant par les députés, les gouverneurs et les directeurs des entreprises publiques, composent le "pouvoir apparent".
Pour permettre d’apprécier l’étendue du fiasco, on doit savoir que, lorsqu’il envisage de remanier ou de remplacer le gouvernement, le président de la République est assailli par les suggestions de ceux qui disposent autour de lui d’une parcelle d’autorité ou d’influence : son frère Maher Al Assad, son beau-frère Asef Chawkat, son oncle Mohammed Makhlouf, son cousin Rami Makhlouf, ses autres cousins des familles Al Assad, Makhlouf, Chalich et Najib, les chefs des plus importants services de renseignements, ses amis et ses conseillers du moment, le secrétaire régional adjoint du Parti Baath, les présidents ou secrétaires généraux des partis composant le Front National Progressiste, etc…. Pour garantir le développement et la pérennité de leurs entreprises, ils ont tous en effet intérêt à compter, au sein de la future équipe, un maximum de connaissances, d’associés ou de clients. Le chef de l’Etat demande donc à ses moukhabarat de vérifier, avant toute autre chose, que les candidats dont les noms sont avancés disposent bien de deux qualités essentielles : non pas l’honnêteté et le sens de l’Etat, mais la fidélité au régime et une allégeance aveugle à sa personne même. Pour répondre à cette demande, alors qu'ils ne disposent pas toujours des personnels compétents pour procéder à ces évaluations, les moukhabarat font appel, en général, aux militants baathistes, dont certains sont devenus avec le temps, comme dans les défuntes républiques d’Europe orientale, experts en rédaction de rapports rémunérés et champions de la délation, y compris au détriment de leurs voisins, de leurs collègues, de leurs parents et de leurs proches.
Suite à ce premier écrémage, la désignation du Premier ministre, puis celle des autres membres du gouvernement, répond à des critères toujours semblables, mais dont la hiérarchisation varie avec le temps. Ainsi, s’agissant de Riyad Hijab, l’un des objectifs non avoués de sa nomination était d’octroyer une satisfaction, au minimum symbolique mais susceptible de se traduire avec le temps en avantages matériels, à la ville et au gouvernorat de Deir al Zor dont il était originaire. Jamais, en effet, ni Hafez Al Assad, ni Bachar Al Assad, n’avaient pris le risque de choisir un chef de gouvernement venant de cette région, considérée depuis la rupture intervenue, en 1966, entre le commandement régional (syrien) et le commandement national (panarabe) du Parti Baath, et la fuite en Irak du fondateur du parti, Michel Aflak, comme une zone si ce n’est dissidente, du moins peu favorable au pouvoir en place à Damas. La forte composante tribale de ce gouvernorat, dans lequel circulent des hommes, des familles et des clans plus attachés à leur lignage et à leurs relations transfrontalières qu’à l’idéologie baathiste, avait d’ailleurs dissuadé le défunt "président éternel" Hafez Al Assad d’y effectuer, au long de ses 30 années de détention du pouvoir, la moindre visite. On raconte même que, recevant un nouveau gouverneur qui s’apprêtait à quitter la capitale pour prendre ses fonctions à Deir al Zor, il l’avait mis en garde : il se rendait en "territoire hostile".
On peut penser, dans ces conditions, que Bachar Al Assad, qui avait hésité à prendre le risque de désigner comme Premier ministre l’ancien ministre des Finances, Mohammed Al Huseïn, originaire lui aussi de la ville, pour ne fâcher ni les Damascènes, ni les Alépins, ni les Homsiotes qui trustent ce poste depuis des décennies, n’a porté son choix sur Riyad Hijab qu’après s’être entouré de toutes les garanties. Il constate aujourd’hui que, volontairement ou involontairement, sa confiance a été abusée par les rapports de ses services et que, la solidarité tribale l’ayant emporté sur l’idéologie baathiste et l’allégeance à sa personne, il est devenu à cause d’eux le dindon de la farce.
La désignation (le 10 août) du Dr Wa’el Nader Al Halqi pour prendre la relève, au terme du bref intérim assuré par le vice-Premier ministre pour les Services et ministre de l’Administration locale, Omar Ibrahim Ghalawanji, s’inscrit dans la même logique. L’intérimaire était originaire de Tartous, une ville et un gouvernorat dont la fidélité est largement acquise au pouvoir en place et qui, ayant bénéficié depuis des années des avantages liés au mariage d’un fils de la région, Asef Chawkat, avec la fille aînée de Hafez Al Assad, n’a pas besoin de nouveaux privilèges. En revanche, le Dr Al Halqi est originaire du gouvernorat de Daraa, qui a joué un rôle essentiel dans le surgissement et dans le déroulement de la protestation. Il était donc important de faire un geste d’apaisement en direction de ses habitants ralliés à la révolution et d’adresser aux Hauranais hésitant encore à se positionner un signe de connivence : le régime ne leur est pas hostile ; il est prêt à favoriser leur région qui lui a fourni dans le passé un nombre important de cadres dirigeants de premier plan ; mais ils doivent prendre leurs distances avec la contestation et contribuer à ramener le calme parmi leurs proches et leurs contribules.
Il est possible, mais il n’est pas certain, que cette tentative de récupération fonctionne. Elle risque plutôt d’exacerber les divisions. D’ores et déjà, la tribu dont le nouveau chef du gouvernement est issu a diffusé un communiqué dans lequel elle se désolidarise de l’intéressé. S’adressant au peuple syrien dans son ensemble, les Al Halqi dénoncent "les assassinats, les tortures et les destructions dont se rendent coupables contre leurs compatriotes d’un bout à l’autre du pays les gangs criminels au service de la famille Al Assad". Ils affirment haut et fort "leur solidarité avec le mouvement révolutionnaire et leur soutien au peuple syrien qui lutte pour se débarrasser de la clique au pouvoir, pour conquérir sa liberté et sa dignité, et pour vivre dans un état civil démocratique dans lequel tous les Syriens seront égaux en droits". Ils suspectent dans le choix de leur parent, dans les circonstances actuelles, une "tentative du pouvoir de casser le mouvement suscité par le martyre des enfants de Daraa", et ils discernent, "dans l’acceptation par le Dr Wa’el de la mission qui lui a été confiée, un amour effréné de l’argent, du pouvoir et du prestige, fusse au détriment des fils et filles de son peuple et de son pays".
La composition de cette commission d’enquête, qui devra également établir comment Riyad Hijab est parvenu à franchir clandestinement la frontière séparant la Syrie avec la Jordanie, montre, elle aussi, que le chef de l’Etat prend la défection de son ancien Premier ministre au sérieux. Elle inclut parmi ses membres les généraux Rustom Ghazaleh, chef des Renseignements militaires pour les gouvernorats de Damas et Damas campagne, Ali Mamlouk, ancien directeur général de la Sécurité d’Etat et tout nouveau directeur du Bureau de Sécurité Nationale, Hafez Makhlouf, cousin maternel de Bachar Al Assad et chef de la branche de Jisr al Abyad des Renseignements généraux, et Kifah Moulhem, chef du service des enquêtes des Renseignements militaires, auquel revient à ce titre le traitement de ce qui touche aux militaires et autres agents de l’Etat suspects de vouloir faire défection ou récupérés après avoir déserté. Dès sa mise en place, la commission a recommandé le licenciement du général de la Sécurité politique chargé d’assurer la "sécurité du conseil des ministres", autrement dit de surveiller aussi bien les ministres, leurs faits et gestes, et leurs relations, que tous les Syriens et étrangers qui, à un titre ou à un autre, sont amenés à entrer en contact avec eux. Elle devrait aussi demander le limogeage d’un certain nombre de chefs de branches des moukhabarat dans les gouvernorats de Damas et de Daraa, tous deux concernés par la fuite de Riyad Hijab.
Autre signe de l’importance que Bachar Al Assad accorde à cette défection, All4Syria relève que deux de ces officiers supérieurs, Ali Mamlouk et Hafez Makhlouf, avaient déjà fait partie, en 2008, de la commission d’enquête créée pour établir dans quelles circonstances avait été assassiné dans un attentat à la voiture piégée, dans l’un des quartiers les plus sécurisés de Damas, le plus haut responsable sécuritaire et militaire du Hizbollah libanais, Imad Moughniyeh. Le site rappelle que, dans un contexte marqué par deux autres affaires douteuses… jamais élucidées - la découverte et le bombardement par l’aviation israélienne du site nucléaire d’Al Kabar, sur l’Euphrate, le 6 septembre 2007, et la liquidation, le 1er août 2008, dans son chalet de la plage de Tartous, du général Mohammed Sleiman, conseiller particulier du chef de l’Etat pour les questions sécuritaires et militaires - deux officiers de haut rang avaient alors "porté le chapeau" : le général Amin Charabeh, chef de la branche Palestine, et, surtout, le général Asef Chawkat, qui dirigeait encore les moukhabarat militaires. Il signale que, par une étrange coïncidence, les deux hommes temporairement mis au placard sont décédés, le 18 juillet 2012, lors de l’opération revendiquée par une brigade de l’Armée Syrienne Libre contre le siège du Bureau de la Sécurité Nationale, qui hébergeait, dans le quartier de Rawda à Damas, une réunion de la Cellule centrale de Gestion des Crises…
Il note par ailleurs qu’un climat de suspicion généralisée paraît prévaloir désormais à la tête de l’Etat et que les plus hauts chefs des services de sécurité, qui bénéficiaient naguère encore de l’estime et de la confiance de Bachar Al Assad, semblent en perte de vitesse. Cette situation concerne en particulier les généraux Ali Mamlouk et Abdel-Fattah Qoudsiyeh. Certes, le premier, qui dirigeait la Sécurité d’Etat à titre civil après sa mise à la retraite, a été nommé à la tête du Bureau de la Sécurité Nationale, en remplacement du général Hasan Tourkmani, décédé dans l’opération. Mais, alors qu’il avait été un temps pressenti pour prendre la direction du gouvernement après la défection de Riyad Hijab, le chef de l’Etat lui a finalement préféré un apparatchik dépourvu de personnalité, de pouvoir et d’influence, en la personne du Dr Al Halqi. Quant au second, Abdel-Fattah Qoudsiyeh, il paraît désormais engagé sur une voie de garage qui rappelle celle empruntée quelques années plus tôt par son prédécesseur à la direction de la Sécurité militaire, Asef Chawkat. S’il a été désigné directeur adjoint du même Bureau de la Sécurité Nationale, en remplacement d’Amin Charabeh, cette "promotion" s’apparente à une sortie par le haut puisqu’il devra abandonner, pour se consacrer à ce nouvel emploi, la tête du service de renseignements réputé le plus puissant en Syrie, et qu’il ne disposera plus d’aucune autorité directe sur les milliers d’agents des moukhabarat militaires.
Il n’est pas faux, comme d’aucuns le soulignent pour se rassurer, que les défections de personnalités civiles et militaires n’ont pas encore atteint en Syrie "le seuil critique". Mais il convient malgré tout de se montrer circonspect dans l’évaluation de ce phénomène. Dans un pays où le ciment du régime est fait d’un mélange de peur et d’intérêts, toute prise de distance de la part d’un responsable est considérée comme un crime de haute trahison à l’égard du chef de l’Etat et punie comme telle. L’ancien ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, Ghassan Rifaï, en avait fait au début des années 2000 l’amère expérience. Alors qu’il avait trouvé refuge en Australie, après avoir été giflé dans son bureau par Rami Makhlouf auquel il tardait à accorder ce qu’il sollicitait, il a été enjoint de regagner au plus vite son pays sous la menace des pires représailles. De retour à Damas, en application du principe selon lequel, "en Syrie les hauts responsables ne démissionnent pas, mais sont démissionnés", il a été limogé en bonne et due forme, en octobre 2004, sous le couvert d’un remaniement du gouvernement de Mohammed Naji Otri.
Or ce qui est vrai en période de paix, l’est plus encore en période de crise. Comme on l’a vu en 2005 avec l’ancien vice-président Abdel-Halim Khaddam, et, plus récemment, avec la fuite du général Manaf Tlass, avant de prendre le large, il est indispensable de préparer ses arrières. Cela veut dire organiser la sortie du pays de ses proches et si possible la liquidation de ses biens, au risque de voir les premiers arrêtés, emprisonnés et peut-être exécutés, et de voir pillés ou détruits par le feu la totalité des seconds. Tous les candidats à la défection se souviennent, en Syrie, du sort de la famille du commandant Huseïn Al Harmouch, qui avait fui en Turquie, au début du mois de juin 2011, pour y créer le Mouvement des Officiers Libres : des dizaines de ses proches ont été assassinés dans leur village d’Eblin, dans le gouvernorat d’Idlib, et l’ensemble de leurs biens vandalisés.
S’agissant de Riyad Hijab, sa défection a été rendue possible par l’évacuation vers l’étranger de l’ensemble de sa proche famille, non seulement sa femme et ses enfants, mais aussi ses 7 frères et ses 2 sœurs, avec leurs femmes, leurs maris et leurs enfants… Il est évident que ce que l’ASL a accepté de faire pour une personnalité aussi symbolique, avec les coûts et les risques inhérents à cette opération, ne peut pas être indéfiniment répété au profit de responsables de moindre niveau dont la défection n’aura pas, et de loin, le même retentissement médiatique. Toutefois, consciente de l’effet psychologique de ces défections sur le moral des partisans du chef de l’Etat, l’ASL a mis sur pied une unité qui prépare actuellement, avec toute la discrétion requise, la fuite hors de Syrie d’une quinzaine de responsables politiques et de diplomates, désireux de quitter leur pays avant qu’il ne soit trop tard et d’apporter leurs capacités et leurs connaissances à la mise en place des bases de la Syrie future.
On ne se hâtera donc pas de conclure, à la constatation que les désertions rendues publiques stagnent à un niveau relativement bas, que le régime bénéficie toujours d’un soutien massif de l’appareil d’Etat. Faute de pouvoir partir ou par peur de le faire, un nombre difficile à quantifier, mais qui n’apparaît pas dérisoire, de militaires de tous grades et de fonctionnaires de tous rangs coopèrent depuis de longs mois avec la contestation. Ils lui fournissent des informations et parfois des renseignements de première importance qui expliquent, en partie, certains des succès militaires de l’ASL. La solidité du régime est donc pour une part optique. En réalité, la maison Al Assad est déjà rongée par les termites. Le ver est dans le fruit, et, quand l’occasion s’en présentera, ceux qui sont déjà des "révolutionnaires de cœur" rejoindront ceux avec qui ils collaborent déjà secrètement.
On ajoutera, pour conclure, que, comme Bachar Al Assad qui ne se montre plus, les moukhabarat sont conscients des fragilités du système. Faute de disposer encore des moyens de séduction et de captation habituels, l’argent, les privilèges, les honneurs… ils n’ont plus à leur disposition qu’un surcroit de peur et de terreur. Ainsi, après avoir ordonné à plus de la moitié des diplomates en poste à l’extérieur de regagner leur pays, et en premier lieu les ambassadeurs dans les grandes capitales occidentales, le chef de l’Etat, pour prévenir leur défection et la répétition de l’embarras provoqué par les départs de Nawwaf Al Cheykh Fares (ambassadeur de Syrie en Irak), Lamia Al Hariri (fille d’un ancien directeur des Services de l’Emigration et des Passeports au ministère de l’Intérieur, nièce du vice-président Farouq Al Chareh et ambassadeur à Chypres), du Dr Abdel-Latif Al Dabbagh (mari de Lamia Al Hariri et ambassadeur aux Emirats Arabes Unis), de Farouq Taha (ambassadeur en Biélorussie)... il a ordonné aux services de sécurité de les garder à l'oeil, eux-mêmes et leurs familles, pour les "protéger" évidemment.
Cette mesure pourrait suggérer que certains, au sein de la communauté d’origine du chef de l’Etat, envisageraient de quitter le navire. Chacun sait en effet en Syrie que la diplomatie est avec l’armée, les services de renseignements, la Syrian Air, le secteur pétrolier et l’Université, l’un des secteurs hautement rémunérateurs auxquels les alaouites disposent de facilités d’accès particulières.
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