En douze ans de présidence, Jacques Rogge a ripoliné l'image d'une maison olympique à la réputation entachée par le scandale de l'affaire de corruptions liée à l'attribution des Jeux à Salt Lake City et par les dérives népotiques de son prédécesseur, Juan Antonio Samaranch, même s'il n'a pas pu rompre complètement avec l'héritage de ce dernier.
Si Jacques Rogge a affiché sa fermeté en matière de lutte contre le dopage et dépoussierré l'institution en créant les Jeux olympiques de la jeunesse, l'opacité du CIO, notamment en matière financière,  la mercantilisation des Jeux et le gigantisme des budgets sont toujours de mise. Et il n'a pas achevé son mandat sur l'épisode éminemment symbolique qu'aurait constitué l'attribution des Jeux olympiques de 2020 à Istanbul, la frilosité des olympiocrates les a en effet poussés à préférer Tokyo.
Mais selon les critères en vigueur à Lausanne, Jacque Rogge laisse à son successeur une maison en parfait état et les caisses pleines, grâce à de juteux contrats de sponsoring et de droits télés et au montant record de 3,3 milliards d'euros déboursés par NBC pour l'exclusivité aux Etats-Unis de la diffusion de tous les Jeux de 2014 à 2020. Qui gérera le pactole? Ils sont six candidats. Six hommes. La parité est toujours un gros mot au CIO. Portraits.

 Thomas Bach, le favori

Thomas Bach, 60 ans, a été le premier à se porter candidat, en mai dernier. Une surprise pour personne. Le fondateur et actuel président du Comité olympique et sportif allemand est connu comme le confident de longue date de Jacques Rogge, avec lequel il a intégré le CIO en 1991. Elu par trois fois vice-président de l'institution, en 2000, 2006 et 2010, cet avocat et homme d'affaires jouit d'une longue expérience de la maison olympique et de ses coulisses. A ce titre, il sait que les voies du CIO sont parfois impénétrables: son influence n'a pas empêché Munich, qu'il soutenait, d'être retoqué pour l'organisation des JO d'hiver 2018.
Un avantage qui pourrait se retourner contre lui. Fin août, le cheik koweitien Al-Sahba, membre de longue date du CIO, fait part publiquement de son soutien à la candidature de Bach. Un balle dans le pied de l'Allemand car les directives de campagne établies par le Comité stipulent que, «le vote étant secret, il est interdit aux membres, individuellement ou collectivement, d’annoncer sous quelque forme que ce soit leur intention de vote ou d’inviter à voter pour un candidat». L'affaire est rapportée par la presse allemande qui décrit le cheik comme un homme pouvant user d'une certaine influence lors des votes. L'incident pourrait être inspecté par la Commission d'éthique du CIO. Une éventualité qui compromettrait les aspirations présidentielles de Thomas Bach, apparu tendu à Buenos Aires, jeudi.
Suivant les traces de Jacques Rogge, l'ancien médaillé d'or de fleuret – par équipes aux JO de Montréal en 1976 – a mis la lutte contre le dopage en première ligne de sa campagne, proposant notamment des suspensions plus longues, l'intensification des contrôles et des investissements dans la recherche pour rendre les produits plus longtemps détectables.
Thomas Bach, grand favori pour la succession de Jacques Rogge à la tête du CIO.
Thomas Bach, grand favori pour la succession de Jacques Rogge à la tête du CIO. (Photo Frank Rumpenhorst. AFP)

 Sergueï Bubka, le jeunot

Postuler à 49 ans à la présidence du CIO c'est un peu comme espérer gagner le Tour de France sur un Vélib'. Sergueï Bubka est le benjamin énergique des prétendants au poste de Jacques Rogge, qui pour la plupart ont dépassé la soixantaine. Atout ou désavantage? Certains diront qu'il est encore un peu tôt pour l'Ukrainien, actuel président du comité olympique de son pays et vice-président de la Fédération international d'athlétisme, ce qui lui assure une bonne connaissance des arcanes des instances sportives internationales.
En revanche son palmarès d'athlète fait l'unanimité. Sergueï Bubka c'est Monsieur Toujours-plus-haut. L'ancien perchiste détient encore les records du monde (6,14 m en plein air et 6,15 m en salle, en 1994 et 1993). S'il était élu le 10 septembre, il serait le premier athlète à avoir marqué considérablement l'histoire du sport, à accéder à ce poste. Le sextuple champion du monde et champion olympique de Séoul en 1988, a choisi le même credo que Thomas Bach concernant sa campagne: la lutte antidopage. Et tout comme son adversaire il propose de rallonger la durée de suspension à quatre ans en cas de tricherie.
Le russe Sergei Bubka, le plus jeune candidat à la présidence du CIO.
Le russe Sergei Bubka, le plus jeune candidat à la présidence du CIO. (Photo Frank Fife. AFP)

 Ng Ser Miang, le modeste

Le Singapourien de 64 ans a été le deuxième candidat à se lancer dans la course à la présidence. Depuis 2009 Ng Ser Miang est l'un des quatre vice-président du comité, aux côtés de Thomas Bach. S'il était élu, il serait le premier président asiatique de l'histoire du CIO. Apprécié pour sa gentillesse et sa jovialité, cet homme d'affaires (patron d'une chaîne de supermarchés) et diplomate (il est ambassadeur non permanent de Singapour en Norvège) a fait de la lutte contre le gigantisme des Jeux le principal axe de sa campagne.
Son objectif: faire plus petit et moins coûteux. L'ancien athlète de voile veut repenser la conception des Jeux en commençant par les candidatures des villes organisatrices, en en limitant les tendances à la démesure. Quant aux disciplines sportives, il propose d'en réduire le nombre pour chaque sport et de tester celles qui prétendent intégrer le programme olympique durant les Jeux de la jeunesse. Compétition dont il a d'ailleurs piloté la première édition, dans son pays, en 2010.
Ng Ser Miang, le candidat singapourien.
Ng Ser Miang, le candidat singapourien et actuel vice-président du CIO. (Photo Fabrice Coffroni. AFP)

Denis Oswald, le créatif

Du haut de ses 66 ans, Denis Oswald est le candidat ayant la plus longue expérience dans le mouvement olympique. En 40 ans, l'ancien médaillé de bronze d'aviron, aux JO de Mexico en 1968, est passé entre autres par la Fédération internationale des sociétés d'aviron, qu'il préside depuis vingt-cinq ans, et par les principales commissions du CIO, il a notamment présidén les commissions de coordination des JO d'Athènes en 2004 et de Londres en 2012.
Un vétéran qui se proclamme tourné vers la jeunesse et l'avenir des Jeux. Et pour, cet avocat et prof de droit e suisse veut miser sur un programme plus créatif, plus attractif. Tout comme Ng Ser Miang, Denis Oswald propose de réduire le nombre d'épreuves à l'intérieur de chaque sport, non pas pour réduire la taille de la compétition, mais pour introduire de nouvelles disciplines, plus modernes.
Denis Oswald présentant sa candidature à la présidence du CIO.
Denis Oswald présentant sa candidature à la présidence du CIO. (Photo Fabrice Coffrini. AFP)

 Richard Carrion, le banquier

C'est le seul des six candidats à ne jamais avoir été athlète. Un détail qui pour beaucoup est un défaut. Le talent du Portoricain Richard Carrion, 60 ans, c'est l'argent et à l'ère où les grandes associations sportives ressemblent à des multinationales, ça ne peut qu'être un atout. A la tête de la holding Popular Inc depuis une vingtaine d'années, le Portoricain dirige également la commission financière du CIO depuis 2002. Avec un succès notable puisque grâce à lui, le Comité a négocié le contrat contrat de retransmission de 3,3 milliards d'euros avec la chaîne américaine NBC, pour les jeux de 2014 à 2020.
L'homme est lié à l'olympisme de façon purement matérialiste, mais il proclamme une vision humaniste du sport. Lui qui a porté la flamme olympique de Vancouver en 2010 – moment qui, dit-il, l'a fortement marqué – affirme vouloir préserver l'esprit des Jeux. Mais son premier combat serait contre les paris illégaux.
Richard Carrion, banquier et candidat à la présidence du CIO.
Richard Carrion, banquier et candidat à la présidence du CIO. (Photo Fabrice Coffrini. AFP)

 Ching-Kuo Wu, l'incorruptible

Depuis qu'il a pris les rènes de la Fédération internationale de boxe, en 2006, Ching-Kuo Wu, 66 ans, a mis un point d'honneur à lutter contre la corruption qui rongeait le milieu. En se portant candidat à la présidence du CIO, le monsieur Propre taïwainais veut laver l'olympisme de ses souillures, le dopage et les compétitions truquées. Basketteur dans sa jeunesse et maintenant architecte, cet amoureux de l'olympisme a construit trois musées qui lui sont dédiés, dont le dernier a été inauguré en Chine en avril.
Ching-Kuo Wu a réussi à introduire la boxe féminine au programme de Londres en 2012. Son prochain défi, s'il est élu mardi, serait de pousser la présentation d'une candidature d'un pays d'Afrique – seul continent à n'avoir jamais accueilli les JO – pour l'organisation des Jeux 2028.
 Ching-kuo Wu, candidat taiwanais.
Ching-Kuo Wu, candidat taïwanais. (Photo Sam Yeh. AFP)