POLITIQUE
À l'UMP, Fillon accélère, Copé temporise
Par Jean-Baptiste Garat Mis à jour | publié
François Fillon, ici lors d'un séminaire de travail pour la préparation des élections législatives, pourrait annoncer sa candidature à la tête de l'UMP la semaine prochaine. Crédits photo : ALBERT FACELLY/Le Figaro
Les prétendants à la présidence du parti ont arrêté des calendriers distincts pour leur campagne interne.
Mettre Jean-François Copé sous pression et faire la démonstration des forces fidèles à François Fillon. Après Valérie Pécresse la semaine dernière, c'était au tour de Laurent Wauquiez de se prononcer mercredi en faveur de l'ancien premier ministre dans la bataille qui l'oppose au secrétaire général de l'UMP. Le député de Haute-Loire poussait plus loin en conseillant même à son collègue de Seine-et-Marne de renoncer à briguer la présidence de l'UMP. «Jean-François Copé aura à cœur de mettre l'intérêt supérieur de notre famille politique avant tout. Ses capacités d'organisateur et son dynamisme seront très précieux dans une équipe au côté de François Fillon», expliquait-il au Figaro.
Cette prise de position de Laurent Wauquiez est moins surprenante que celle de Valérie Pécresse : depuis 2007, les deux hommes sont passés de la brouille politique à la haine réciproque. Les différentes déclarations en faveur de Fillon sont cependant complémentaires. Pécresse a souhaité faire la preuve que l'on pouvait être ami de Copé et faire le «choix de raison» en faveur de Fillon. À charge pour Laurent Wauquiez de prouver que la démarche du secrétaire général de l'UMP n'est mue que par son ambition personnelle et que poursuivre dans sa candidature serait dommageable pour la droite. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, elle mène des assauts sur la question de la droitisation de l'UMP. NKM a mis en demeure le secrétaire général de s'expliquer sur le contrat qui lie Patrick Buisson et l'UMP. «On a besoin de savoir si la ligne Copé, c'est la ligne Buisson», a-t-elle exigé sur Europe 1. «La tentation de la “fusion des droites”, malheureusement, n'est pas éteinte», s'alarme-t-elle encore sur son blog.
Jour après jour, c'est tout le plan de bataille des fillonistes qui se dévoile. «La prochaine étape sera de démontrer que toutes les composantes de l'UMP se retrouvent dans la candidature de Fillon», explique un proche. Et la suivante sera la déclaration de candidature de leur champion, qui pourrait intervenir la semaine prochaine.
En attendant, les fillonistes font feu de tout bois. Mercredi, à l'Assemblée, Valérie Pécresse a été parmi «les mieux élus du bureau du groupe UMP». «Preuve que les députés ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils sont soucieux de conserver leur liberté d'expression», estime un proche. L'élection a également provoqué la chute de beaucoup de représentants de la Droite populaire sortants. «Et ce sont des soutiens de Jean-François Copé», s'amuse un filloniste.
Malgré ces charges tous azimuts, Jean-François Copé se déclare «d'une très grande sérénité». «Mes priorités, qui sont celles de l'UMP, c'est d'abord de présenter une opposition sans faille aux projets de François Hollande et de son gouvernement, et cela commence maintenant, avec la session extraordinaire du Parlement, explique-t-il. Viendront ensuite la rentrée et la marche vers le congrès. Ni les militants ni nos électeurs ne comprendraient que l'on inverse l'ordre des priorités, quand c'est la France qui est en jeu! Moi, en tout cas, je ne le ferai pas.» Ses priorités fixées, Copé n'en oublie pas de répondre aux attaques les plus «blessantes».
À NKM qui lui demande des explications sur ses relations avec Patrick Buisson, il rappelle que le contrat qui lie l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et l'UMP a été signé en 2009, quand Xavier Bertrand était secrétaire général, Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurent Wauquiez, ses adjoints. «Ils sont au courant, ils ont travaillé avec Patrick Buisson», rappelle-t-on rue de Vaugirard. Il n'y a en revanche, selon Jean-François Copé, «pas de mot pour qualifier» le ralliement de son «amie» Valérie Pécresse à François Fillon. Quant à la multiplication des appels en faveur de l'ancien premier ministre, ils sont pris avec philosophie. «Ils usent leurs cartouches une à une et il n'est pas certain qu'ils en aient encore beaucoup, parie-t-on dans l'entourage de Copé. Nous ne nous lancerons pas dans la course à celui qui va se déclarer le premier.» Pour l'instant, cette stratégie semble payer: dans le dernier baromètre Ipsos-Le Point, Copé prend 4 points auprès des sympathisants de l'UMP, et Fillon en perd autant.
Hollande : «Approfondir l’union économique, monétaire et demain politique»
Le chef de l'Etat a reçu la chancelière allemande à l'Elysée à la veille du conseil européen. Et a affirmé que les deux pays voulaient travailler ensemble à bâtir une Europe forte.
La France et l’Allemagne veulent «approfondir l’union économique, monétaire et demain politique», a déclaré mercredi François Hollande en recevant la chancelière allemande Angela Merkel à la veille d’un sommet européen jugé déterminant pour l’avenir de la zone euro.
«Nous sommes aujourd’hui à la veille d’un Conseil européen important, nous avons déjà bien travaillé. Il y a eu des progrès, notamment sur la croissance qui a été l’objet de nombreuses discussions qui ont abouti. Le Conseil européen aura à en décider», a déclaré M. Hollande sur le perron de l’Elysée.
«Nous sommes aussi conscients des mesures que nous devons préparer pour la stabilité financière et nous voulons, l’un comme l’autre, approfondir l’union économique, monétaire et demain politique pour arriver à une intégration et à une solidarité, l’intégration autant qu’il est nécessaire, la solidarité autant qu’il est possible», a-t-il poursuivi.
«Voilà l’esprit qui nous caractérise au moment où beaucoup regardent l’Europe. Nous voulons affirmer sa cohérence, sa force, son unité et sa solidarité», a conclu le chef de l’Etat français.
«La situation est sérieuse, nous avons l’obligation de construire l’Europe forte et stable de demain», a renchéri Angela Merkel devant la presse.
«Nous avons fait des progrès significatifs sur le pacte sur la croissance, j’espère qu’il pourra être adopté demain», a poursuivi la chancelière, «il nous faut plus d’Europe, il nous faut une Europe qui fonctionne, les marchés l’attendent, il nous faut une Europe dont les membres s’entraident les uns les autres», a-t-elle poursuivi.
Après leur déclaration, le président et la chancelière ont rejoint les jardins de l’Elysée pour un entretien d’un quart d’heure, avant de passer à table, selon la présidence française.
(AFP)
Les trois défis européens de François Hollande
Le Monde.fr | • Mis à jour le
Par Nicolas Jean Brehon enseignant en finances publiques à Paris I Panthéon Sorbonne
En interne, le président de la République a désormais les coudées franches. Cela ne suffira peut-être pas pour changer de politique car dans l'Union européenne, il faut compter avec les autres. Trois épreuves sont annoncées pour la fin de l'année. La croissance, le budget communautaire, la politique agricole commune (PAC).
Premier défi : comment concilier rigueur et croissance ? S'il ne faut pas opposer l'une à l'autre, il ne faut pas nier qu'il reste deux approches : la voie des réformes dites structurelles qui passent par des ajustements – des remises en cause ? - des habitudes (déconnecter les salaires des prix) et des lois sociales (annualisation du temps de travail), quitte à entamer la solidarité (réduire la durée d'indemnisation du chômage) ou accorder quelques faveurs aux riches (réduire l'imposition des placements financiers pour aider au financement des entreprises). Et puis la voie du tour de vis fiscal pour combler le déficit, associé à la relance par la dépense publique européenne et l'emprunt.
Deux approches, deux stratégies. L'Allemagne a fait le premier choix et s'en est plutôt bien sortie, tandis que la France est tentée par le second sans y être encore entrée. Les tensions s'avivent comme l'atteste l'incroyable mise en garde de Mme Merkel -"la médiocrité ne doit pas devenir la règle", la Grèce rentre dans le rang, l'Espagne souffle, la France surprend sans inquiéter encore. Mais le "deal" est pour demain. Si la voie des euro obligations pour financer la dette souveraine parait peu vraisemblable, celle des euro projects ou l'abondement des prêts de la banque européenne d'investissements pour financer de grands projets d'investissements est plausible. Il y aura un accord qui permettra à chacun de s'estimer satisfait et de sauver la face.
Ce deal aura des répercussions sur la négociation du futur budget communautaire pour la période 2014/2020. Jusqu'à présent il y a une parfaite entente entre l'Allemagne et la France. Les deux principaux financeurs du budget communautaire (respectivement 20 et 16,6%), qui sont aussi les deux premiers contributeurs nets (-7,8 et -5,7 milliards d'euros par an), assument parfaitement leur position de "radins de l'Europe", c'est-à-dire le camp de ceux qui ne veulent pas dépenser plus pour le budget communautaire. Sur ce point, les Allemands sont cohérents : rigueur en Allemagne, rigueur en Europe. Les Français ne le sont pas autant ! Si la France clame sa foi dans la relance européenne, il faudra d'abord qu'elle contribue au pot commun. Même si ce coût est occulté par l'opacité du financement du budget européen, toute augmentation du budget communautaire se traduit par une augmentation du prélèvement sur les impôts nationaux (faire passer le budget européen de 1% du revenu national brut, qui est le niveau actuel, à 1,1 % représente une augmentation de la contribution française et allemande de 2 et 2,4 milliards d'euros). Le voudra-t-elle, le pourra-t-elle ? La solidarité européenne, si souvent réclamée, bute sur la contrainte budgétaire. Il sera aisé d'enfermer la France dans ses contradictions.
En particulier sur la première d'entre elles : la PAC. Car les partenaires de la France auront beau jeu de lui mettre le défi entre ses mains : si la France veut plus de fonds structurels, dont l'efficacité est pourtant sérieusement entamée par les crises grecques et espagnoles, et plus de dépenses de recherche, et bien, soit, il suffit de les prélever sur la PAC. On touche là un dilemme historique. Et politique. Le candidat Hollande s'est engagé devant les agriculteurs à maintenir la part de la PAC dans le budget européen (tandis que l'ancien président s'était contenté de demander le maintien du montant du budget). Les Allemands se sont accordés à suivre la position française sur la PAC par souci de conciliation avec les Français, mais l'entente est moins cordiale aujourd'hui et les Allemands ne verraient pas d'un mauvais œil une diminution du budget agricole. Britanniques, Suédois et autres adversaires de la PAC doivent, eux aussi, s'amuser de voir se profiler les contradictions françaises qui vont éclater au grand jour. Bientôt.
Nicolas Jean Brehon enseignant en finances publiques à Paris I Panthéon Sorbonne
L’ouest de la France ne se reconnaît plus dans le discours de l’UMP
Au moment où l'UMP ouvre une réflexion sur ses valeurs, il faut signaler cette intéressante étude menée par Jérôme Fourquet pour la Fondation Jean Jaurès qui sera rendue publique jeudi 29 juin (note n° 139 disponible sur http://fressoz.blog.lemonde.fr/2012/06/27/louest-de-la-france-ne-se-reconnait-plus-dans-le-discours-de-lump/www.jean-jaures.org).
Le directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'IFOP a étudié l'évolution des positions détenues par la droite parlementaire entre 2002 et 2012 en se demandant si la droitisation du discours de l'UMP dénoncée aujourd'hui par certains pouvait être rendue responsable de la défaite de 2012 .
Les résultats incitent à la prudence car de fortes disparités géographiques sont constatées.
A l'Ouest, l'UMP a perdu en dix ans 98 élus soit plus de 58% du nombre de sièges qu'elle détenait. Elle n'en compte plus aujourd'hui que 71 sur 255 contre 169 sur 267 en 2002 .
On peut parler d'une véritable hémorragie qui a d'abord profité à François Bayrou en 2007 puis aux socialistes en 2012. Dans ces terres peu perméables au discours frontiste, un vrai divorce s'est produit entre l'électorat modéré et la droite.
Deux zones sont particulièrement frappées : le grand Ouest (Basse Normandie, Pays de la Loire, Bretagne) où la droite parlementaire est passée de 56 sièges en 2002 à 21 seulement cette année , l'Aquitaine Poitou Charentes où le nombre d'élus est tombé de 25 à 4 .
A l'Est de la France où l'audience du Front national est plus forte, l'érosion de l'UMP a été nettement plus faible avec 68 sièges perdus soit une chute de 32% par rapport à ses positions de 2002. Le nombre de ses élus y atteint aujourd'hui 147 (sur les 281 que comptent ces régions) contre 215 ( sur 284) en 2002. Mais deux cas de figure doivent être distingués :
- dans les zones où elle était forte, la droite a plutôt bien résisté à la poussée du FN constatée en 2012 .C'est notamment vrai en Alsace Lorraine où elle a subi une érosion relativement faible ( -10 sièges par rapport à 2002) , dans le grand pourtour francilien (-16 élus) et dans le vaste ensemble Franche Comté, Bourgogne, Rhône Alpes ( -16).
En revanche là où elle était moins puissante, la droite locale a eu du beaucoup plus de mal à résister à la concurrence frontiste. C'est le cas du Languedoc Roussillon où elle a été quasiment rayée de la carte, le nombre de ses élus passant de 15 à 2.
L'étude s'intéresse plus particulièrement aux élus de la Droite populaire dont la prétention au sein de l'UMP était de résister au Front national en allant sur ses thèmes. Le résultat n'est pas probant : sur les 38 élus qui se présentaient, 19 ont été réélus et 19 ont été battus.
Lorsqu'ils étaient confrontés à des triangulaires, les élus de la Droite populaire ont eu tendance à moins bien résister que les autres élus de droite ou de centre : ils ont remporté trois victoires sur neuf, contre cinq sur onze pour leurs autres collègues de la droite.
Ces différents éléments devraient singulièrement compliquer l'œuvre de reconstruction de l'UMP confrontée à une fracture géographique de grande ampleur qui rend difficile l'unification de son discours
ECONOMIE
Impôts : les dernières surprises
Pétroliers, banques, forfait social : le gouvernement a bouclé le collectif budgétaire. Présenté mercredi prochain, il produira 7,5 milliards de recettes cette année et environ 19 milliards en 2013. Les stocks pétroliers vont être taxés à 4 %. La taxe systémique sur les banques va être doublée, à 0,5 %. Le forfait social sera bien relevé de 8 % à 20 %.
Présenté mercredi prochain en Conseil des ministres, le collectif budgétaire est quasiment bouclé. Il permettra de dégager 7,5 milliards d'euros de recettes cette année et environ 19 milliards à compter de l'an prochain. L'effort est considérable : cette première loi de Finances va représenter près de la moitié du total des hausses d'impôt qui étaient prévues par le candidat Hollande. Contrairement à la droite en 2007 - qui disposait de comptes moins dégradés -, le PS ouvre donc la législature par des mesures aussi symboliques que douloureuses, réparties à quasi-égalité entre ménages et entreprises.
Le gouvernement a tenté de rester le plus fidèle possible aux mesures fiscales évoquées pendant la campagne. Le relèvement du barème de l'ISF (2,3 milliards d'euros) et des droits de successions (140 millions cette année) ne surprendront personne, pas plus que la fin des exonérations de charges des heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés (1 milliard en 2012) ou encore l'annulation de la TVA sociale.
Certaines mesures, en revanche, ont un peu évolué. Le gouvernement va demander ainsi une contribution exceptionnelle d'environ 500 millions aux pétroliers. Parmi les motifs invoqués figure le fait que ces groupes, notamment Total, n'acquittent parfois pas d'impôt sur les sociétés, alors qu'ils réalisent des profits considérables au niveau mondial. Exigible pour la seule année 2012, la contribution prendra la forme d'une taxe de 4 % sur la valeur des stocks de produits pétroliers. Elle touchera non seulement les compagnies pétrolières (Total, Shell, etc.) mais aussi les raffineurs, les grandes surfaces (Carrefour, Leclerc, etc.) et les entreprises de stockage dans les ports (Rubis...).
Les banques, elles, seront sollicitées de deux manières : la taxe sur les transactions financières sera relevée de 0,1 % à 0,2 %, pour une entrée en application le 1er août. Bercy estime que le rendement annuel affiché par le gouvernement Fillon est beaucoup trop optimiste (1,1 milliard). C'est ce qui justifie de doubler son niveau. Ainsi configurée, la taxe devrait rapporter environ 350 millions en 2012.
La taxe sur les risques systémiques va être elle aussi doublée : elle est actuellement égale à 0,25 % des minima de fonds propres exigés dans les banques et sera relevée à 0,5 %, soit une charge d'un peu plus de 500 millions cette année. La taxe pourrait alimenter un fonds de garantie dans le cadre d'une éventuelle union bancaire européenne. Pour l'heure, elle devrait surtout réduire le déficit.
Comme prévu, le forfait social sur la participation et l'intéressement sera relevé de 8 % à 20 %, pour un rendement de 550 millions cette année. Des mesures sont également prévues pour réduire l'intérêt des entreprises à s'installer dans un paradis fiscal. Aujourd'hui, les filiales échappent à la taxation en France dès lors qu'elles démontrent qu'elles exercent une activité réelle dans ces territoires. Ce ne sera plus possible.
Le patronat a néanmoins obtenu un sursis sur une autre mesure : les entreprises échapperont, pour l'instant, au durcissement du régime des intérêts d'emprunt lors de l'achat de titres de participation. Il est toujours question que ces intérêts ne puissent plus être déductibles au-delà de 30 % du résultat de l'entreprise, comme c'est le cas en Allemagne. Mais, faute de trouver la bonne rédaction - et éviter de bloquer l'expansion d'entreprises françaises à l'étranger -, la mesure est reportée à cet automne. En revanche, les entreprises subiront bien la taxation à 3 % des dividendes versés (300 millions en 2012).
Toutes ces recettes d'urgence doivent servir à ramener le déficit à 4,5 % de PIB cette année, en dépit d'une moindre croissance (0,4 % selon l'Insee). Mais elles vont aussi permettre de faire une partie du chemin pour revenir à 3 % de PIB en 2013, avec un rendement supplémentaire de 12 milliards l'an prochain.
Cette dynamique est logique : de nombreuses mesures auront un faible effet en 2012 (car limitées à quelques mois), qui sera démultiplié en 2013. A l'instar de la hausse du forfait social, dont le rendement dépassera alors 2 milliards, de la fin des exonérations sur les heures supplémentaires (3 milliards) ou encore de la hausse de 2 points de la CSG sur les revenus du capital (déjà votée lors de la TVA sociale), qui rapportera 2,6 milliards en 2013, contre « seulement » 800 millions en 2012. Mais tout cela ne suffira pas, loin de là.
LUCIE ROBEQUAIN
Les européens pressés de trouver une solution à la crise malgré leurs divisions
En dépit d'un nombre important de points d'accord, dont le pacte de croissance souhaité par François Hollande, les chefs d'Etat abordent le sommet dans un climat de grande tension, face à la fragilité de l'Espagne et aux attaques contre l'Italie.
Sommet de crise ou de reconstruction ? Entre la nécessité de réfléchir à la refonte de l'Union économique et monétaire afin de corriger les défaillances de l'architecture de l'euro et la gestion au plus serré de la crise économique qui frappe les pays les plus fragiles, la tâche se complique pour les chefs d'Etat.
Aussi, en dépit d'une inflation constante des réunions entre leaders européens, les positions se crispent. Une fatigue s'installe aussi, au fur et à mesure des résultats décevants obtenus au cours des mois passés. Si bien que l'objet réel du sommet qui s'ouvre jeudi après-midi à Bruxelles à 27 pour se clôturer vendredi entre les dirigeants de la zone euro est sans doute simplement de rétablir la confiance.
Angela Merkel sur la défensive
A son habitude, la chancelière Angela Merkel a mis en garde tous ceux qui attendent encore des solutions miracles, en soulignant, mercredi au Bundestag, qu'« il n'y avait pas de solutions rapides, faciles à la crise ». Mercredi soir, à Paris, aux côtés de François Hollande elle ajoutait : « La situation est sérieuse nous avons l'obligation de construire l'Europe forte et stable de demain. »
La chancelière est plus que jamais sur la défensive, de plus en plus persuadée que toutes les recettes mises sur la table par les économistes sont des leurres, la nécessité étant d'abord la mise en place de réformes structurelles dans les pays en difficulté. Dans son entourage, on souligne qu'elle a été déçue par l'absence d'effet à long terme de l'injection massive de liquidités dans les banques européennes par la BCE.
Même si elle n'a pas déclaré, comme l'ont relayé mercredi les médias, qu'elle mourrait avant l'établissement d'une mutualisation des dettes en Europe, la chancelière a confirmé son agacement devant l'empressement de ses partenaires à évoquer les euro-obligations sans vouloir entendre parler en échange des possibilités de « contrôle et d'intervention » sur leurs budgets.
Seul François Hollande est serein
A ses yeux, la feuille de route d'Herman Van Rompuy est ainsi déséquilibrée, trop favorable aux euro-obligations et pas assez à l'union budgétaire et politique. Elle va en outre rencontrer des partenaires plus nerveux que jamais. Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, et le président du Conseil d'Italie, Mario Monti, sont terriblement inquiets de l'absence de prise en compte par les investisseurs des efforts de redressement entrepris. « Le plus urgent, c'est le financement », a ainsi déclaré mercredi Mariano Rajoy, devant les Cortes.
« Nous ne pouvons pas continuer à nous financer aux prix auxquels nous nous finançons actuellement. » Mario Monti, veut pour sa part que le Fonds et le Mécanisme européens de stabilité financière (FESF et MES) achètent de la dette souveraine sur le marché secondaire pour faire baisser le coût de ses emprunts, ce qui leur est permis mais ce qu'ils ne font pas. Il vient à Bruxelles une nouvelle fois en bon élève, après le vote obtenu mercredi in extremis à Rome de sa réforme du marché du travail. Mardi soir, les ministres des Finances des Quatre (France, Allemagne, Italie et Espagne) ont tenté de chercher des solutions avec le commissaire aux Affaires économiques.
Finalement, seul le président français, François Hollande se montre assez serein, satisfait d'avoir obtenu l'adhésion sur son pacte de croissance, présenté vendredi dernier à Rome comme un pacte qui pourrait mobiliser entre 120 et 130 milliards d'euros, environ 1% du PIB européen. Il est aussi satisfait de la possibilité de lancer une taxe sur les transactions financières dans le cadre d'une coopération renforcée. A l'inverse de la chancelière, le rapport présenté par le Conseil européen sur l'avenir de l'Union économique et monétaire lui semble équilibré, « bien proportionné entre les contraintes et la solidarité », à même de relancer donc une vraie réflexion nouvelle.
SOCIAL
Les salariés de PSA d'Aulnay mobilisés
Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Les salariés de l'usine PSA d'Aulnay sont appelés à la grève, jeudi 28 juin, à l'occasion d'un comité de groupe européen, afin de défendre leur site menacé, et qui cristallise les craintes sur l'avenir d'autres sites du fabricant français et de son nouvel allié américain General Motors.
CGT, CFDT, CFTC, SIA (syndicat maison) et SUD ont appelé les salariés du site de Seine-Saint-Denis à la grève, et, de même que la CFE-CGC et FO, à un rassemblement devant le siège parisien de PSA à 10 h 30 "contre la casse de l'emploi". "Des délégations de toutes les usines PSA seront présentes, d'Opel Bochum, GM Strasbourg et PSA Madrid", précise la CGT, qui souhaite la mobilisation de tous les salariés de PSA et des sous-traitants. "Il s'agit de dire à la direction : nous savons que vous voulez fermer Aulnay fin juillet, et on vient vous dire que nous nous défendrons", résume Jean-Pierre Mercier.
La fermeture d'Aulnay après 2014 est un scénario à l'étude. La direction s'en défend, indiquant que le projet est caduc, mais refuse de s'engager par écrit sur l'avenir de l'usine qui produit les Citroën C3. L'alliance de PSA avec GM ainsi que le rapport social figurent aussi à l'ordre du jour de cette réunion, précédée mercredi d'un comité stratégique.
L'incertitude demeure pour plusieurs sites des constructeurs français et américain. Par exemple, le site breton de La Janais près de Rennes, qui produit la C5 et la 508, et est particulièrement visé par les mesures de chômage partiel depuis la fin 2011, devrait être fixé le 31 octobre sur le ou les modèles destinés à compenser le prochain arrêt de la production de la C5. La direction a indiqué que la remplaçante de ce modèle pourrait être confié à GM mais que le site pourrait récupérer des véhicules du groupe américain. Le sort de l'usine de Sevelnord est aussi en suspens, alors que l'italien Fiat qui y fabrique actuellement des utilitaires avec PSA va se retirer en 2017.
Outre-Rhin, la filiale de l'américain GM Opel, qui doit présenter jeudi un plan de développement pour la marque, a donné un peu de répit à l'usine allemande de Bochum (ouest) régulièrement donnée comme condamnée à partir de 2015. Opel propose de faire fonctionner ce site qui emploie 3.200 personnes jusqu'à la fin de la production de la Zafira, fin 2016. Opel étudie en outre la possibilité de produire sur ses sites des modèles d'autres marques. Chevrolet, autre marque de GM, est évoqué par les analystes, mais également PSA.
GM, confronté au même problème de surcapacité en Europe que PSA, s'interroge par ailleurs sur la pérennité de sa seule usine française à Strasbourg qui produit des boîtes de vitesses automatiques et emploie 1 000 salariés.
SOCIETE
Modification du calendrier scolaire 2012-2013
Communiqué de presse - Vincent Peillon - 28/06/2012
Conformément au vote exprimé le 28 juin par le Conseil supérieur de l'éducation, organe représentatif qui regroupe l'ensemble des acteurs et partenaires de l'école, le ministre de l'éducation nationale décide la modification du calendrier scolaire 2012-2013.
Les modifications du calendrier scolaire 2012-2013 sont les suivantes :
- Les vacances de la Toussaint, dans les trois zones, débuteront le samedi 27 octobre et se termineront le lundi 12 novembre 2012 au matin.
- Une journée est rattrapée au mois d'avril ou au mois de mai : les élèves auront cours soit le mercredi 3 avril, soit le mercredi 22 mai. Le choix sera arrêté localement par les recteurs. Lorsque des cours sont déjà organisés le mercredi matin, les élèves auront cours mercredi 3 avril et mercredi 22 mai après-midi.
Il est à noter que les mercredis travaillés ont été choisis dans des semaines comportant un jour férié. Il n'y a donc pas d'alourdissement de la semaine de travail, ni pour les élèves, ni pour les enseignants.
- Les vacances d'été commenceront le samedi 6 juillet 2013 après la classe, au lieu du jeudi 4 juillet.
Les vacances de la Toussaint sont ainsi portées à deux semaines pleines pour permettre un véritable repos au cours du premier trimestre, dont la longueur est préjudiciable à l'attention des élèves.
Le nombre de jours travaillés dans l'année et la durée des vacances sont inchangés.
Le principe d'une alternance régulière entre les périodes de congé et de travail, inscrit dans les lois de 1989 et 2005, est ainsi mieux respecté.
Cette décision a été prise dans le respect des procédures de consultation. La concertation sur les autres questions relatives aux rythmes scolaires : temps de la journée, de la semaine et de l'année se poursuivra dans le cadre de la consultation nationale sur la refondation de l'École
Au secours, je suis suivi !
Lorsque vous naviguez sur le web, une myriade de sociétés analysent votre parcours et les données que vous disséminez, dans le but de les monétiser à travers la publicité.
Ce matin, lorsque vous avez ouvert votre navigateur Internet pour aller sur le site du New York Times, des données ont été envoyées à dix entreprises, dont des filiales de Microsoft et de Google, une flopée de sites qui conservent l’historique de vos visites et d’autres petites sociétés publicitaires. Presque instantanément, ces entreprises ont gardé trace de votre visite, affiché dans votre navigateur des publicités personnalisées et complété votre fichier Internet, qui contient chaque jour de nouvelles informations.
Cet échange de données souterrain n’est pas nécessairement glauque : après tout, il ne s’agit que de l’environnement publicitaire grâce auquel tous les contenus en ligne gratuits continuent d’exister. Chaque clic sur Internet rapporte quelques centimes à quelqu’un et une foule de sociétés veulent s’assurer que chaque seconde de votre vie en ligne est monétisée. En trente-six heures, 105 entreprises ont observé chacun de mes mouvements sur Internet. Vous pouvez établir une liste similaire grâce à Collusion, un module de Mozilla qui répertorie toutes les entreprises qui enregistrent des données sur vous – ou plutôt sur votre identité virtuelle.
Cibles mouvantes et prix cassés
Soyons clairs, ces sociétés collectent des informations sans les faire coïncider avec votre nom. Elles se servent de ces informations pour vous proposer des publicités sur lesquelles, statistiquement, vous avez des chances de cliquer. Après avoir cherché un traiteur pour un mariage, on voit soudain apparaître des publicités pour des alliances sur certains sites qui n’ont pourtant rien à voir. On se sent parfois observé. Devrait-on s’inquiéter ? Difficile de le savoir. Même si, selon les époques, la publicité a pris de nombreuses formes, c’est la première fois de l’histoire de l’humanité qu’autant de données concernant autant de personnes sont collectées dans le seul but de leur vendre des publicités.
La plupart des débats sur la protection de la vie privée ont été formulés en termes techniques. On apprend que Google a réussi à s’affranchir des paramètres de confidentialité du navigateur Safari, sans savoir en quoi ils consistaient. Ou bien on découvre comment Facebook nous surveille grâce aux inoffensifs boutons “J’aime”. Pourtant, derrière tout ça se cache un enchevêtrement de questions philosophiques qui sont au cœur de la guerre entre les défenseurs de la vie privée et les agences de publicité en ligne : qu’est-ce que l’anonymat ? Qu’est-ce que l’identité ?
Traditionnellement, les annonceurs et les publications avaient un contrat social : les publications rassemblaient certains types de personnes – un groupe appelé le public cible –, puis les agences achetaient des pages dans lesdites publications pour toucher ces personnes. C’était tout un art. Certaines publications avaient du cachet et d’autres non. La publicité sur Internet chamboule complètement ce monde : désormais, on peut toucher un public sans passer par la publication. Vous voulez un lecteur de The Atlantic ? Super ! Une régie publicitaire pourra vous proposer quelqu’un qui est déjà venu sur le site du magazine et qui maintenant se renseigne sur les crèmes hydratantes sur ToutesLesCrèmesHydratantes.com. Et l’on vous vendra cette paire d’yeux pour un cinquième du prix habituel.
Absence de régulation
Le secteur de la publicité en ligne soutient que les technologies évoluent si rapidement que la régulation n’est pas la solution au malaise que provoque la dissémination de toutes ces données dans les limbes d’Internet. Le problème, toutefois, reste que l’idée que se fait le secteur de l’autorégulation ne correspond pas aux exigences du public, comme j’ai pu m’en rendre compte.
Quelques jours après avoir lancé le module Collusion, j’ai essayé de savoir s’il était possible d’interrompre la collecte de données. Naïvement, je me suis rendu sur le site d’autorégulation du secteur, la Network Advertising Initiative (NAI), et j’ai rempli le formulaire intitulé “Opt Out” pour me désinscrire. J’ai procédé ainsi pour les dizaines d’entreprises listées et il faut admettre que le processus était simple et efficace, en théorie tout du moins. Je me suis ensuite de nouveau tourné vers Collusion et je me suis rendu compte qu’un nombre faramineux d’entreprises avaient l’air de toujours enregistrer des informations à mon sujet. En fin de compte, j’avais réussi à éviter les publicités personnalisées, mais pas la collecte de données.
Il est impossible, via le système d’autorégulation du secteur, de ne plus être pisté sur Internet. Impossible.
Selon l’ancien responsable de la NAI, Chuck Curran, les utilisateurs n’ont tout simplement pas le droit de ne pas être surveillés. “Il est établi depuis longtemps que les consommateurs devraient pouvoir choisir si, oui ou non, des données concernant leurs centres d’intérêt peuvent être utilisées pour améliorer la pertinence des publicités à leur intention", a-t-il écrit. "Toutefois, le code de la NAI indique également que les entreprises ont parfois besoin de continuer à collecter des données pour des raisons techniques qui n’ont rien à voir avec le ciblage publicitaire reposant sur le comportement des internautes.”
Le tracking prend de vitesse le monde réel
Les internautes devraient-ils pouvoir mettre un terme à la collecte des informations, même si les entreprises ne les utilisent pas à mauvais escient ? Est-ce que ce devrait être un droit, comme la Maison-Blanche le soutient [fin février 2012, le gouvernement américain a pris le parti des défenseurs de la protection de la vie privée dans une charte des droits relatifs à la vie privée des consommateurs, intitulée Consumer Privacy Bill of Rights] ? Et, surtout, pourquoi est-ce que cela devrait l’être ? La capacité des entreprises à traquer tous les mouvements des internautes a évolué bien plus rapidement que les normes culturelles et que nos exigences en termes de respect de la vie privée. Et ce n’est pas parce que les sociétés en ligne sont plus répréhensibles que leurs homologues qui ont pignon sur rue ; c’est plutôt que leurs moyens sont sans commune mesure avec les entreprises classiques. Notre vocabulaire n’a pas encore de termes adaptés pour décrire le fonctionnement de ces entreprises ou l’attitude de nos sociétés vis-à-vis d’elles.
Le cœur du problème vient du fait que désormais nous menons presque tous une double vie. Avec les enchères publicitaires en temps réel, les internautes voient apparaître des pubs qui ont été achetées quelques fractions de seconde après leur arrivée sur une page web. Pour ce faire, les régies associent les cookies, et de cette façon les deux parties savent qui est l’utilisateur. Par ailleurs, de nombreuses sociétés cherchent uniquement à collecter des informations pour les vendre à des tiers. N’importe qui peut combiner plusieurs bases de données pour créer un portrait numérique extrêmement détaillé de votre personne.
Anonymat, la dernière frontière
Comme l’a fait remarquer une enquête du Wall Street Journal, les entreprises qui collectent des données sont en train de “transformer Internet en un endroit où l’anonymat ne tient qu’à un fil, la protection des noms”. Pourtant, parce que nous vivons dans un monde où des machines peuvent disséquer tous nos comportements sans la moindre intervention humaine, nous ne saisissons pas bien le concept d’anonymat. Evidemment, une machine respecte plus votre vie privée qu’une personne qui observerait tous vos faits et clics, et qui engrangerait au passage des connaissances sur vous. Un être humain pourrait aisément se servir de ses capacités de raisonnement analytique pour décrypter qui vous êtes. Et n’importe quel humain pourrait se servir des informations recueillies à des fins illégitimes. En acceptant un secteur de la publicité gouverné par les données, nous comptons sur la débilité des machines et leur incapacité à en “savoir trop”.
Si on les laisse faire, les sociétés de tracking publicitaire finiront par savoir connecter vos différentes identités virtuelles. Et si on leur en donne le droit, elles finiront aussi par révéler votre nom. Le problème reste que l’écrasante majorité des internautes ne saura jamais rien des machines qui s’activent derrière leurs navigateurs. Et le lobby de la publicité s’oppose clairement à la mise en place par défaut de paramètres de confidentialité plus stricts sur les navigateurs. Rien n’empêchera donc les utilisateurs de révéler involontairement une grande quantité d’informations les concernant. L’utilité du ciblage des données pour les publicitaires a sûrement ses limites et, dans dix ans, lorsque nous chercherons à savoir pourquoi les pratiques en matière de collecte de données ont changé, nous nous rendrons compte que cette évolution n’aura pas été provoquée par des régulations, des mesures d’autorégulation ou encore un soulèvement des internautes. Cette évolution sera issue de l’échec du ciblage pour les meilleures publicités. Et quand ce concept aura échoué, les génies de la prochaine génération passeront à autre chose
Ras-la-casquette des métaphores lourdingues
© Droits réservés
Je propose une suspension de Pier Luigi Bersani [secrétaire du Parti démocrate, gauche] qui déclare s’attendre [au sommet européen à Bruxelles] "à un beau but de Mario Monti à la Andrea Pirlo". Une suspension non pour un hors-jeu, mais pour un hors-sujet. Finissons-en avec ce football parlé et écrit, cette poésie de comptoir et de salle de rédaction, ces trouvailles usées jusqu’à la moelle de quelques zélateurs savants qui sont capables de lancer : "Goethe a battu Homère 4 buts à 2." Hors sujet encore la Panenka [penalty tiré en piqué] qualifiée d"alternative géniale au spread et d’un Mario Balotelli bien trop présent qui devrait faire preuve d’un peu plus de sobriété technique, parce que c’est l’Europe qui le veut.
Et qui sait quelles autres métaphores nous attendent au tournant, à présent que nous devons "briser les reins de nos soucis pour battre les marchés" et étaler "la solidité de notre défense et de notre milieu terrain aux yeux de la Bourse et des banques de Francfort". Transpirant de figures, d’hyperboles, de métonymies, de métasémèmes, de substitutions, de synecdoques, d’allégories et d’autres images, notre football est devenu le monde enchanté des hiérarchies renversées, l’alibi de l’incapable, le râle de l’exclu. Dans cette beuverie de ballon rond, notre exploit, forcément, "devra être historique".
Pire que les blagues de Berlusconi
Cette compétition n’est pas un événement joyeux, c’est "la vengeance de l’Europe du Sud sur les panzers au caractère vigoureux", où l’équipe de Cesare Prandelli [le sélectionneur de l’Italie] devra "prendre la mesure d’un nouvel espoir italien". Une compétition que nous devons gagner, car "ce n’est pas vrai que nous savons seulement nous endetter et truquer tous les matchs de l’histoire au tabac du coin". Elle ne fait plus rire, l’idée que Gianluigi Buffon soit l’ange historique qui se dresse devant la rigueur d’un tir au but [en italien, tir au but se dit tiro di rigore, d’où l’abondance des jeux de mots dans la presse], ou que, plus encore que Mario Draghi ou Mario Monti, ce soit Mario Balotelli à qui l’on confie "l’étoile d’Italie" [symbole de la péninsule]. Ces comparaisons sont même devenues plus embarrassantes que les blagues de potache de Berlusconi.
Elles sont le symptôme de la même pathologie, ce besoin malsain d’échapper à la politique extérieure en se réfugiant dans la bouffonnerie et la raillerie. Le football est désormais devenu l’utopie du vaincu, dont le rachat ne peut-être qu’artificiel et provincial. Et même les grossièretés sur le physique d’Angela Merkel s’en trouvent réhabilitées par quelques intellos italiens qui carburent à la testostérone et aux cellules grises.
"Tirer la sonnette d'alarme"
Nous autres, Italiens, ne savons pas résister à la tentation d’une ânerie bien sentie. Mais aujourd’hui la phrase : "Voilà enfin une rigueur qui plaît à l’Italie" fait jeu égal (zéro partout, ah ah !) avec de vieilles expressions insupportables devenues archaïques comme "du côté de", "au jour d’aujourd’hui", "littéralement" ou "tirer la sonnette d’alarme". Les nouveaux tics des crétins cognitifs sont donc footballistiques, leur nouvel attirail linguistique est "eurocramponné" : "Exit Cameron, au tour de Merkel", "L’Angleterre est devenue méridionale"...
Ce réflexe inévitable, typiquement italien, de comparer la politique, l’économie, la littérature, l’histoire et même la philosophie et la morale aux stratégies du sympathique Prandelli, de concevoir chaque match de football comme une opposition entre deux civilisations, revient à respirer le même air vicié que tous les ans à l’approche du festival de Sanremo [festival de musique très populaire]. A l’instar de la chanson populaire qui a remplacé la littérature dans l’éducation, notre Pirlo équivaut à leur Bundesbank, Daniele De Rossi est l’image de notre emprunt d’Etat indestructible, et Gianni Rivera et Luigi Riva, qui s’imposèrent 4-3 [en demi-finale de la Coupe du monde 1970 face à la RFA], sont la mémoire de la Patrie, les Pères fondateurs de l’Europe, plus même qu’Altiero Spinelli, Ernesto Rossi et Alcide De Gasperi. Quant à la composition de cette équipe – Enrico Albertosi, Tarcisio Burnich, Giacinto Facchetti... –, elle mérite bien plus de figurer dans les livres d’histoire que l’annonce d’Armando Diaz [chef de l’état-major italien qui proclama la victoire contre l’Autriche-Hongrie le 5 novembre 1918].
Absence d'argumentation
Toute cette mascarade ne se joue pas dans les brasseries, les stades ou les salons de coiffure, mais bien au Parlement, dans les rédactions des plus grands journaux, dans les conseils d’administration et dans les salons feutrés des sherpas dont le devoir devrait être de promouvoir une image triomphante de l’Italie à l’étranger.
Bien trop d’intellectuels italiens ont recours à cet artifice, à cette débauche de métaphores, cet abus d’hyperboles. Bastian Schweinsteiger comparé à Martin Heidegger, Pirlo à Cavour, ou encore Diamanti à Garibaldi et Fernando Torres à García Lorca... Depuis deux jours, dans les journaux, à la télé et sur Internet, cette rhétorique nationale-populaire triomphe, mais elle cache en réalité une absence totale d’argumentation et fait définitivement basculer notre sport adoré dans l’univers perdu de la camelote. Et encore, il lui manque l’ironie géniale des supporters napolitains qui, pour manifester leur joie d’avoir remporté le Scudetto [en 1987, quand le club de Naples est devenu champion d’Italie pour la première fois], avaient écrit sur le mur du cimetière de Poggioreale : "Vous ne savez pas ce que vous manquez".
Voilà : le football métaphorique, dérobé aux vrais supporters, n’est qu’une idiotie qui progresse. Et le match Italie-Allemagne, transformé en Kulturkampf pédant, est comme la pipe de Magritte : "Ceci n’est pas un match".
François Fillon, ici lors d'un séminaire de travail pour la préparation des élections législatives, pourrait annoncer sa candidature à la tête de l'UMP la semaine prochaine. Crédits photo : ALBERT FACELLY/Le Figaro
Cette prise de position de Laurent Wauquiez est moins surprenante que celle de Valérie Pécresse : depuis 2007, les deux hommes sont passés de la brouille politique à la haine réciproque. Les différentes déclarations en faveur de Fillon sont cependant complémentaires. Pécresse a souhaité faire la preuve que l'on pouvait être ami de Copé et faire le «choix de raison» en faveur de Fillon. À charge pour Laurent Wauquiez de prouver que la démarche du secrétaire général de l'UMP n'est mue que par son ambition personnelle et que poursuivre dans sa candidature serait dommageable pour la droite. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, elle mène des assauts sur la question de la droitisation de l'UMP. NKM a mis en demeure le secrétaire général de s'expliquer sur le contrat qui lie Patrick Buisson et l'UMP. «On a besoin de savoir si la ligne Copé, c'est la ligne Buisson», a-t-elle exigé sur Europe 1. «La tentation de la “fusion des droites”, malheureusement, n'est pas éteinte», s'alarme-t-elle encore sur son blog.
Jour après jour, c'est tout le plan de bataille des fillonistes qui se dévoile. «La prochaine étape sera de démontrer que toutes les composantes de l'UMP se retrouvent dans la candidature de Fillon», explique un proche. Et la suivante sera la déclaration de candidature de leur champion, qui pourrait intervenir la semaine prochaine.
En attendant, les fillonistes font feu de tout bois. Mercredi, à l'Assemblée, Valérie Pécresse a été parmi «les mieux élus du bureau du groupe UMP». «Preuve que les députés ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils sont soucieux de conserver leur liberté d'expression», estime un proche. L'élection a également provoqué la chute de beaucoup de représentants de la Droite populaire sortants. «Et ce sont des soutiens de Jean-François Copé», s'amuse un filloniste.
Malgré ces charges tous azimuts, Jean-François Copé se déclare «d'une très grande sérénité». «Mes priorités, qui sont celles de l'UMP, c'est d'abord de présenter une opposition sans faille aux projets de François Hollande et de son gouvernement, et cela commence maintenant, avec la session extraordinaire du Parlement, explique-t-il. Viendront ensuite la rentrée et la marche vers le congrès. Ni les militants ni nos électeurs ne comprendraient que l'on inverse l'ordre des priorités, quand c'est la France qui est en jeu! Moi, en tout cas, je ne le ferai pas.» Ses priorités fixées, Copé n'en oublie pas de répondre aux attaques les plus «blessantes».
À NKM qui lui demande des explications sur ses relations avec Patrick Buisson, il rappelle que le contrat qui lie l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et l'UMP a été signé en 2009, quand Xavier Bertrand était secrétaire général, Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurent Wauquiez, ses adjoints. «Ils sont au courant, ils ont travaillé avec Patrick Buisson», rappelle-t-on rue de Vaugirard. Il n'y a en revanche, selon Jean-François Copé, «pas de mot pour qualifier» le ralliement de son «amie» Valérie Pécresse à François Fillon. Quant à la multiplication des appels en faveur de l'ancien premier ministre, ils sont pris avec philosophie. «Ils usent leurs cartouches une à une et il n'est pas certain qu'ils en aient encore beaucoup, parie-t-on dans l'entourage de Copé. Nous ne nous lancerons pas dans la course à celui qui va se déclarer le premier.» Pour l'instant, cette stratégie semble payer: dans le dernier baromètre Ipsos-Le Point, Copé prend 4 points auprès des sympathisants de l'UMP, et Fillon en perd autant.
Hollande : «Approfondir l’union économique, monétaire et demain politique»
En interne, le président de la République a désormais les coudées franches. Cela ne suffira peut-être pas pour changer de politique car dans l'Union européenne, il faut compter avec les autres. Trois épreuves sont annoncées pour la fin de l'année. La croissance, le budget communautaire, la politique agricole commune (PAC).
Premier défi : comment concilier rigueur et croissance ? S'il ne faut pas opposer l'une à l'autre, il ne faut pas nier qu'il reste deux approches : la voie des réformes dites structurelles qui passent par des ajustements – des remises en cause ? - des habitudes (déconnecter les salaires des prix) et des lois sociales (annualisation du temps de travail), quitte à entamer la solidarité (réduire la durée d'indemnisation du chômage) ou accorder quelques faveurs aux riches (réduire l'imposition des placements financiers pour aider au financement des entreprises). Et puis la voie du tour de vis fiscal pour combler le déficit, associé à la relance par la dépense publique européenne et l'emprunt.Deux approches, deux stratégies. L'Allemagne a fait le premier choix et s'en est plutôt bien sortie, tandis que la France est tentée par le second sans y être encore entrée. Les tensions s'avivent comme l'atteste l'incroyable mise en garde de Mme Merkel -"la médiocrité ne doit pas devenir la règle", la Grèce rentre dans le rang, l'Espagne souffle, la France surprend sans inquiéter encore. Mais le "deal" est pour demain. Si la voie des euro obligations pour financer la dette souveraine parait peu vraisemblable, celle des euro projects ou l'abondement des prêts de la banque européenne d'investissements pour financer de grands projets d'investissements est plausible. Il y aura un accord qui permettra à chacun de s'estimer satisfait et de sauver la face.
Ce deal aura des répercussions sur la négociation du futur budget communautaire pour la période 2014/2020. Jusqu'à présent il y a une parfaite entente entre l'Allemagne et la France. Les deux principaux financeurs du budget communautaire (respectivement 20 et 16,6%), qui sont aussi les deux premiers contributeurs nets (-7,8 et -5,7 milliards d'euros par an), assument parfaitement leur position de "radins de l'Europe", c'est-à-dire le camp de ceux qui ne veulent pas dépenser plus pour le budget communautaire. Sur ce point, les Allemands sont cohérents : rigueur en Allemagne, rigueur en Europe. Les Français ne le sont pas autant ! Si la France clame sa foi dans la relance européenne, il faudra d'abord qu'elle contribue au pot commun. Même si ce coût est occulté par l'opacité du financement du budget européen, toute augmentation du budget communautaire se traduit par une augmentation du prélèvement sur les impôts nationaux (faire passer le budget européen de 1% du revenu national brut, qui est le niveau actuel, à 1,1 % représente une augmentation de la contribution française et allemande de 2 et 2,4 milliards d'euros). Le voudra-t-elle, le pourra-t-elle ? La solidarité européenne, si souvent réclamée, bute sur la contrainte budgétaire. Il sera aisé d'enfermer la France dans ses contradictions.
En particulier sur la première d'entre elles : la PAC. Car les partenaires de la France auront beau jeu de lui mettre le défi entre ses mains : si la France veut plus de fonds structurels, dont l'efficacité est pourtant sérieusement entamée par les crises grecques et espagnoles, et plus de dépenses de recherche, et bien, soit, il suffit de les prélever sur la PAC. On touche là un dilemme historique. Et politique. Le candidat Hollande s'est engagé devant les agriculteurs à maintenir la part de la PAC dans le budget européen (tandis que l'ancien président s'était contenté de demander le maintien du montant du budget). Les Allemands se sont accordés à suivre la position française sur la PAC par souci de conciliation avec les Français, mais l'entente est moins cordiale aujourd'hui et les Allemands ne verraient pas d'un mauvais œil une diminution du budget agricole. Britanniques, Suédois et autres adversaires de la PAC doivent, eux aussi, s'amuser de voir se profiler les contradictions françaises qui vont éclater au grand jour. Bientôt.
Les européens pressés de trouver une solution à la crise malgré leurs divisions
Les salariés de l'usine PSA d'Aulnay sont appelés à la grève, jeudi 28 juin, à l'occasion d'un comité de groupe européen, afin de défendre leur site menacé, et qui cristallise les craintes sur l'avenir d'autres sites du fabricant français et de son nouvel allié américain General Motors.
CGT, CFDT, CFTC, SIA (syndicat maison) et SUD ont appelé les salariés du site de Seine-Saint-Denis à la grève, et, de même que la CFE-CGC et FO, à un rassemblement devant le siège parisien de PSA à 10 h 30 "contre la casse de l'emploi". "Des délégations de toutes les usines PSA seront présentes, d'Opel Bochum, GM Strasbourg et PSA Madrid", précise la CGT, qui souhaite la mobilisation de tous les salariés de PSA et des sous-traitants. "Il s'agit de dire à la direction : nous savons que vous voulez fermer Aulnay fin juillet, et on vient vous dire que nous nous défendrons", résume Jean-Pierre Mercier.La fermeture d'Aulnay après 2014 est un scénario à l'étude. La direction s'en défend, indiquant que le projet est caduc, mais refuse de s'engager par écrit sur l'avenir de l'usine qui produit les Citroën C3. L'alliance de PSA avec GM ainsi que le rapport social figurent aussi à l'ordre du jour de cette réunion, précédée mercredi d'un comité stratégique.
L'incertitude demeure pour plusieurs sites des constructeurs français et américain. Par exemple, le site breton de La Janais près de Rennes, qui produit la C5 et la 508, et est particulièrement visé par les mesures de chômage partiel depuis la fin 2011, devrait être fixé le 31 octobre sur le ou les modèles destinés à compenser le prochain arrêt de la production de la C5. La direction a indiqué que la remplaçante de ce modèle pourrait être confié à GM mais que le site pourrait récupérer des véhicules du groupe américain. Le sort de l'usine de Sevelnord est aussi en suspens, alors que l'italien Fiat qui y fabrique actuellement des utilitaires avec PSA va se retirer en 2017.
Outre-Rhin, la filiale de l'américain GM Opel, qui doit présenter jeudi un plan de développement pour la marque, a donné un peu de répit à l'usine allemande de Bochum (ouest) régulièrement donnée comme condamnée à partir de 2015. Opel propose de faire fonctionner ce site qui emploie 3.200 personnes jusqu'à la fin de la production de la Zafira, fin 2016. Opel étudie en outre la possibilité de produire sur ses sites des modèles d'autres marques. Chevrolet, autre marque de GM, est évoqué par les analystes, mais également PSA.
GM, confronté au même problème de surcapacité en Europe que PSA, s'interroge par ailleurs sur la pérennité de sa seule usine française à Strasbourg qui produit des boîtes de vitesses automatiques et emploie 1 000 salariés.
SOCIETE
Modification du calendrier scolaire 2012-2013
Les modifications du calendrier scolaire 2012-2013 sont les suivantes :
Le nombre de jours travaillés dans l'année et la durée des vacances sont inchangés.
Le principe d'une alternance régulière entre les périodes de congé et de travail, inscrit dans les lois de 1989 et 2005, est ainsi mieux respecté.
Cette décision a été prise dans le respect des procédures de consultation. La concertation sur les autres questions relatives aux rythmes scolaires : temps de la journée, de la semaine et de l'année se poursuivra dans le cadre de la consultation nationale sur la refondation de l'École
Au secours, je suis suivi !
Modification du calendrier scolaire 2012-2013
Communiqué de presse - Vincent Peillon - 28/06/2012
Conformément au vote exprimé le 28 juin par le Conseil supérieur de l'éducation, organe représentatif qui regroupe l'ensemble des acteurs et partenaires de l'école, le ministre de l'éducation nationale décide la modification du calendrier scolaire 2012-2013.
Les modifications du calendrier scolaire 2012-2013 sont les suivantes :
- Les vacances de la Toussaint, dans les trois zones, débuteront le samedi 27 octobre et se termineront le lundi 12 novembre 2012 au matin.
- Une journée est rattrapée au mois d'avril ou au mois de mai : les élèves auront cours soit le mercredi 3 avril, soit le mercredi 22 mai. Le choix sera arrêté localement par les recteurs. Lorsque des cours sont déjà organisés le mercredi matin, les élèves auront cours mercredi 3 avril et mercredi 22 mai après-midi.
Il est à noter que les mercredis travaillés ont été choisis dans des semaines comportant un jour férié. Il n'y a donc pas d'alourdissement de la semaine de travail, ni pour les élèves, ni pour les enseignants. - Les vacances d'été commenceront le samedi 6 juillet 2013 après la classe, au lieu du jeudi 4 juillet.
Le nombre de jours travaillés dans l'année et la durée des vacances sont inchangés.
Le principe d'une alternance régulière entre les périodes de congé et de travail, inscrit dans les lois de 1989 et 2005, est ainsi mieux respecté.
Cette décision a été prise dans le respect des procédures de consultation. La concertation sur les autres questions relatives aux rythmes scolaires : temps de la journée, de la semaine et de l'année se poursuivra dans le cadre de la consultation nationale sur la refondation de l'École
Lorsque vous naviguez sur le web, une myriade de sociétés analysent votre parcours et les données que vous disséminez, dans le but de les monétiser à travers la publicité.
Ce matin, lorsque vous avez ouvert votre navigateur Internet pour aller sur le site du New York Times, des données ont été envoyées à dix entreprises, dont des filiales de Microsoft et de Google, une flopée de sites qui conservent l’historique de vos visites et d’autres petites sociétés publicitaires. Presque instantanément, ces entreprises ont gardé trace de votre visite, affiché dans votre navigateur des publicités personnalisées et complété votre fichier Internet, qui contient chaque jour de nouvelles informations.
Cet échange de données souterrain n’est pas nécessairement glauque : après tout, il ne s’agit que de l’environnement publicitaire grâce auquel tous les contenus en ligne gratuits continuent d’exister. Chaque clic sur Internet rapporte quelques centimes à quelqu’un et une foule de sociétés veulent s’assurer que chaque seconde de votre vie en ligne est monétisée. En trente-six heures, 105 entreprises ont observé chacun de mes mouvements sur Internet. Vous pouvez établir une liste similaire grâce à Collusion, un module de Mozilla qui répertorie toutes les entreprises qui enregistrent des données sur vous – ou plutôt sur votre identité virtuelle.
Cibles mouvantes et prix cassés
Soyons clairs, ces sociétés collectent des informations sans les faire coïncider avec votre nom. Elles se servent de ces informations pour vous proposer des publicités sur lesquelles, statistiquement, vous avez des chances de cliquer. Après avoir cherché un traiteur pour un mariage, on voit soudain apparaître des publicités pour des alliances sur certains sites qui n’ont pourtant rien à voir. On se sent parfois observé. Devrait-on s’inquiéter ? Difficile de le savoir. Même si, selon les époques, la publicité a pris de nombreuses formes, c’est la première fois de l’histoire de l’humanité qu’autant de données concernant autant de personnes sont collectées dans le seul but de leur vendre des publicités.
La plupart des débats sur la protection de la vie privée ont été formulés en termes techniques. On apprend que Google a réussi à s’affranchir des paramètres de confidentialité du navigateur Safari, sans savoir en quoi ils consistaient. Ou bien on découvre comment Facebook nous surveille grâce aux inoffensifs boutons “J’aime”. Pourtant, derrière tout ça se cache un enchevêtrement de questions philosophiques qui sont au cœur de la guerre entre les défenseurs de la vie privée et les agences de publicité en ligne : qu’est-ce que l’anonymat ? Qu’est-ce que l’identité ?
Traditionnellement, les annonceurs et les publications avaient un contrat social : les publications rassemblaient certains types de personnes – un groupe appelé le public cible –, puis les agences achetaient des pages dans lesdites publications pour toucher ces personnes. C’était tout un art. Certaines publications avaient du cachet et d’autres non. La publicité sur Internet chamboule complètement ce monde : désormais, on peut toucher un public sans passer par la publication. Vous voulez un lecteur de The Atlantic ? Super ! Une régie publicitaire pourra vous proposer quelqu’un qui est déjà venu sur le site du magazine et qui maintenant se renseigne sur les crèmes hydratantes sur ToutesLesCrèmesHydratantes.com. Et l’on vous vendra cette paire d’yeux pour un cinquième du prix habituel.
Absence de régulation
Le secteur de la publicité en ligne soutient que les technologies évoluent si rapidement que la régulation n’est pas la solution au malaise que provoque la dissémination de toutes ces données dans les limbes d’Internet. Le problème, toutefois, reste que l’idée que se fait le secteur de l’autorégulation ne correspond pas aux exigences du public, comme j’ai pu m’en rendre compte.
Quelques jours après avoir lancé le module Collusion, j’ai essayé de savoir s’il était possible d’interrompre la collecte de données. Naïvement, je me suis rendu sur le site d’autorégulation du secteur, la Network Advertising Initiative (NAI), et j’ai rempli le formulaire intitulé “Opt Out” pour me désinscrire. J’ai procédé ainsi pour les dizaines d’entreprises listées et il faut admettre que le processus était simple et efficace, en théorie tout du moins. Je me suis ensuite de nouveau tourné vers Collusion et je me suis rendu compte qu’un nombre faramineux d’entreprises avaient l’air de toujours enregistrer des informations à mon sujet. En fin de compte, j’avais réussi à éviter les publicités personnalisées, mais pas la collecte de données.
Il est impossible, via le système d’autorégulation du secteur, de ne plus être pisté sur Internet. Impossible.
Cet échange de données souterrain n’est pas nécessairement glauque : après tout, il ne s’agit que de l’environnement publicitaire grâce auquel tous les contenus en ligne gratuits continuent d’exister. Chaque clic sur Internet rapporte quelques centimes à quelqu’un et une foule de sociétés veulent s’assurer que chaque seconde de votre vie en ligne est monétisée. En trente-six heures, 105 entreprises ont observé chacun de mes mouvements sur Internet. Vous pouvez établir une liste similaire grâce à Collusion, un module de Mozilla qui répertorie toutes les entreprises qui enregistrent des données sur vous – ou plutôt sur votre identité virtuelle.
Cibles mouvantes et prix cassés
Soyons clairs, ces sociétés collectent des informations sans les faire coïncider avec votre nom. Elles se servent de ces informations pour vous proposer des publicités sur lesquelles, statistiquement, vous avez des chances de cliquer. Après avoir cherché un traiteur pour un mariage, on voit soudain apparaître des publicités pour des alliances sur certains sites qui n’ont pourtant rien à voir. On se sent parfois observé. Devrait-on s’inquiéter ? Difficile de le savoir. Même si, selon les époques, la publicité a pris de nombreuses formes, c’est la première fois de l’histoire de l’humanité qu’autant de données concernant autant de personnes sont collectées dans le seul but de leur vendre des publicités.
La plupart des débats sur la protection de la vie privée ont été formulés en termes techniques. On apprend que Google a réussi à s’affranchir des paramètres de confidentialité du navigateur Safari, sans savoir en quoi ils consistaient. Ou bien on découvre comment Facebook nous surveille grâce aux inoffensifs boutons “J’aime”. Pourtant, derrière tout ça se cache un enchevêtrement de questions philosophiques qui sont au cœur de la guerre entre les défenseurs de la vie privée et les agences de publicité en ligne : qu’est-ce que l’anonymat ? Qu’est-ce que l’identité ?
Traditionnellement, les annonceurs et les publications avaient un contrat social : les publications rassemblaient certains types de personnes – un groupe appelé le public cible –, puis les agences achetaient des pages dans lesdites publications pour toucher ces personnes. C’était tout un art. Certaines publications avaient du cachet et d’autres non. La publicité sur Internet chamboule complètement ce monde : désormais, on peut toucher un public sans passer par la publication. Vous voulez un lecteur de The Atlantic ? Super ! Une régie publicitaire pourra vous proposer quelqu’un qui est déjà venu sur le site du magazine et qui maintenant se renseigne sur les crèmes hydratantes sur ToutesLesCrèmesHydratantes.com. Et l’on vous vendra cette paire d’yeux pour un cinquième du prix habituel.
Absence de régulation
Le secteur de la publicité en ligne soutient que les technologies évoluent si rapidement que la régulation n’est pas la solution au malaise que provoque la dissémination de toutes ces données dans les limbes d’Internet. Le problème, toutefois, reste que l’idée que se fait le secteur de l’autorégulation ne correspond pas aux exigences du public, comme j’ai pu m’en rendre compte.
Quelques jours après avoir lancé le module Collusion, j’ai essayé de savoir s’il était possible d’interrompre la collecte de données. Naïvement, je me suis rendu sur le site d’autorégulation du secteur, la Network Advertising Initiative (NAI), et j’ai rempli le formulaire intitulé “Opt Out” pour me désinscrire. J’ai procédé ainsi pour les dizaines d’entreprises listées et il faut admettre que le processus était simple et efficace, en théorie tout du moins. Je me suis ensuite de nouveau tourné vers Collusion et je me suis rendu compte qu’un nombre faramineux d’entreprises avaient l’air de toujours enregistrer des informations à mon sujet. En fin de compte, j’avais réussi à éviter les publicités personnalisées, mais pas la collecte de données.
Il est impossible, via le système d’autorégulation du secteur, de ne plus être pisté sur Internet. Impossible.
Selon l’ancien responsable de la NAI, Chuck Curran, les utilisateurs n’ont tout simplement pas le droit de ne pas être surveillés. “Il est établi depuis longtemps que les consommateurs devraient pouvoir choisir si, oui ou non, des données concernant leurs centres d’intérêt peuvent être utilisées pour améliorer la pertinence des publicités à leur intention", a-t-il écrit. "Toutefois, le code de la NAI indique également que les entreprises ont parfois besoin de continuer à collecter des données pour des raisons techniques qui n’ont rien à voir avec le ciblage publicitaire reposant sur le comportement des internautes.”
Le tracking prend de vitesse le monde réel
Les internautes devraient-ils pouvoir mettre un terme à la collecte des informations, même si les entreprises ne les utilisent pas à mauvais escient ? Est-ce que ce devrait être un droit, comme la Maison-Blanche le soutient [fin février 2012, le gouvernement américain a pris le parti des défenseurs de la protection de la vie privée dans une charte des droits relatifs à la vie privée des consommateurs, intitulée Consumer Privacy Bill of Rights] ? Et, surtout, pourquoi est-ce que cela devrait l’être ? La capacité des entreprises à traquer tous les mouvements des internautes a évolué bien plus rapidement que les normes culturelles et que nos exigences en termes de respect de la vie privée. Et ce n’est pas parce que les sociétés en ligne sont plus répréhensibles que leurs homologues qui ont pignon sur rue ; c’est plutôt que leurs moyens sont sans commune mesure avec les entreprises classiques. Notre vocabulaire n’a pas encore de termes adaptés pour décrire le fonctionnement de ces entreprises ou l’attitude de nos sociétés vis-à-vis d’elles.
Le cœur du problème vient du fait que désormais nous menons presque tous une double vie. Avec les enchères publicitaires en temps réel, les internautes voient apparaître des pubs qui ont été achetées quelques fractions de seconde après leur arrivée sur une page web. Pour ce faire, les régies associent les cookies, et de cette façon les deux parties savent qui est l’utilisateur. Par ailleurs, de nombreuses sociétés cherchent uniquement à collecter des informations pour les vendre à des tiers. N’importe qui peut combiner plusieurs bases de données pour créer un portrait numérique extrêmement détaillé de votre personne.
Anonymat, la dernière frontière
Comme l’a fait remarquer une enquête du Wall Street Journal, les entreprises qui collectent des données sont en train de “transformer Internet en un endroit où l’anonymat ne tient qu’à un fil, la protection des noms”. Pourtant, parce que nous vivons dans un monde où des machines peuvent disséquer tous nos comportements sans la moindre intervention humaine, nous ne saisissons pas bien le concept d’anonymat. Evidemment, une machine respecte plus votre vie privée qu’une personne qui observerait tous vos faits et clics, et qui engrangerait au passage des connaissances sur vous. Un être humain pourrait aisément se servir de ses capacités de raisonnement analytique pour décrypter qui vous êtes. Et n’importe quel humain pourrait se servir des informations recueillies à des fins illégitimes. En acceptant un secteur de la publicité gouverné par les données, nous comptons sur la débilité des machines et leur incapacité à en “savoir trop”.
Si on les laisse faire, les sociétés de tracking publicitaire finiront par savoir connecter vos différentes identités virtuelles. Et si on leur en donne le droit, elles finiront aussi par révéler votre nom. Le problème reste que l’écrasante majorité des internautes ne saura jamais rien des machines qui s’activent derrière leurs navigateurs. Et le lobby de la publicité s’oppose clairement à la mise en place par défaut de paramètres de confidentialité plus stricts sur les navigateurs. Rien n’empêchera donc les utilisateurs de révéler involontairement une grande quantité d’informations les concernant. L’utilité du ciblage des données pour les publicitaires a sûrement ses limites et, dans dix ans, lorsque nous chercherons à savoir pourquoi les pratiques en matière de collecte de données ont changé, nous nous rendrons compte que cette évolution n’aura pas été provoquée par des régulations, des mesures d’autorégulation ou encore un soulèvement des internautes. Cette évolution sera issue de l’échec du ciblage pour les meilleures publicités. Et quand ce concept aura échoué, les génies de la prochaine génération passeront à autre chose
Ras-la-casquette des métaphores lourdingues
Le tracking prend de vitesse le monde réel
Les internautes devraient-ils pouvoir mettre un terme à la collecte des informations, même si les entreprises ne les utilisent pas à mauvais escient ? Est-ce que ce devrait être un droit, comme la Maison-Blanche le soutient [fin février 2012, le gouvernement américain a pris le parti des défenseurs de la protection de la vie privée dans une charte des droits relatifs à la vie privée des consommateurs, intitulée Consumer Privacy Bill of Rights] ? Et, surtout, pourquoi est-ce que cela devrait l’être ? La capacité des entreprises à traquer tous les mouvements des internautes a évolué bien plus rapidement que les normes culturelles et que nos exigences en termes de respect de la vie privée. Et ce n’est pas parce que les sociétés en ligne sont plus répréhensibles que leurs homologues qui ont pignon sur rue ; c’est plutôt que leurs moyens sont sans commune mesure avec les entreprises classiques. Notre vocabulaire n’a pas encore de termes adaptés pour décrire le fonctionnement de ces entreprises ou l’attitude de nos sociétés vis-à-vis d’elles.
Le cœur du problème vient du fait que désormais nous menons presque tous une double vie. Avec les enchères publicitaires en temps réel, les internautes voient apparaître des pubs qui ont été achetées quelques fractions de seconde après leur arrivée sur une page web. Pour ce faire, les régies associent les cookies, et de cette façon les deux parties savent qui est l’utilisateur. Par ailleurs, de nombreuses sociétés cherchent uniquement à collecter des informations pour les vendre à des tiers. N’importe qui peut combiner plusieurs bases de données pour créer un portrait numérique extrêmement détaillé de votre personne.
Anonymat, la dernière frontière
Comme l’a fait remarquer une enquête du Wall Street Journal, les entreprises qui collectent des données sont en train de “transformer Internet en un endroit où l’anonymat ne tient qu’à un fil, la protection des noms”. Pourtant, parce que nous vivons dans un monde où des machines peuvent disséquer tous nos comportements sans la moindre intervention humaine, nous ne saisissons pas bien le concept d’anonymat. Evidemment, une machine respecte plus votre vie privée qu’une personne qui observerait tous vos faits et clics, et qui engrangerait au passage des connaissances sur vous. Un être humain pourrait aisément se servir de ses capacités de raisonnement analytique pour décrypter qui vous êtes. Et n’importe quel humain pourrait se servir des informations recueillies à des fins illégitimes. En acceptant un secteur de la publicité gouverné par les données, nous comptons sur la débilité des machines et leur incapacité à en “savoir trop”.
Si on les laisse faire, les sociétés de tracking publicitaire finiront par savoir connecter vos différentes identités virtuelles. Et si on leur en donne le droit, elles finiront aussi par révéler votre nom. Le problème reste que l’écrasante majorité des internautes ne saura jamais rien des machines qui s’activent derrière leurs navigateurs. Et le lobby de la publicité s’oppose clairement à la mise en place par défaut de paramètres de confidentialité plus stricts sur les navigateurs. Rien n’empêchera donc les utilisateurs de révéler involontairement une grande quantité d’informations les concernant. L’utilité du ciblage des données pour les publicitaires a sûrement ses limites et, dans dix ans, lorsque nous chercherons à savoir pourquoi les pratiques en matière de collecte de données ont changé, nous nous rendrons compte que cette évolution n’aura pas été provoquée par des régulations, des mesures d’autorégulation ou encore un soulèvement des internautes. Cette évolution sera issue de l’échec du ciblage pour les meilleures publicités. Et quand ce concept aura échoué, les génies de la prochaine génération passeront à autre chose
Ras-la-casquette des métaphores lourdingues
© Droits réservés
Je propose une suspension de Pier Luigi Bersani [secrétaire du Parti démocrate, gauche] qui déclare s’attendre [au sommet européen à Bruxelles] "à un beau but de Mario Monti à la Andrea Pirlo". Une suspension non pour un hors-jeu, mais pour un hors-sujet. Finissons-en avec ce football parlé et écrit, cette poésie de comptoir et de salle de rédaction, ces trouvailles usées jusqu’à la moelle de quelques zélateurs savants qui sont capables de lancer : "Goethe a battu Homère 4 buts à 2." Hors sujet encore la Panenka [penalty tiré en piqué] qualifiée d"alternative géniale au spread et d’un Mario Balotelli bien trop présent qui devrait faire preuve d’un peu plus de sobriété technique, parce que c’est l’Europe qui le veut.
Et qui sait quelles autres métaphores nous attendent au tournant, à présent que nous devons "briser les reins de nos soucis pour battre les marchés" et étaler "la solidité de notre défense et de notre milieu terrain aux yeux de la Bourse et des banques de Francfort". Transpirant de figures, d’hyperboles, de métonymies, de métasémèmes, de substitutions, de synecdoques, d’allégories et d’autres images, notre football est devenu le monde enchanté des hiérarchies renversées, l’alibi de l’incapable, le râle de l’exclu. Dans cette beuverie de ballon rond, notre exploit, forcément, "devra être historique".
Pire que les blagues de Berlusconi
Cette compétition n’est pas un événement joyeux, c’est "la vengeance de l’Europe du Sud sur les panzers au caractère vigoureux", où l’équipe de Cesare Prandelli [le sélectionneur de l’Italie] devra "prendre la mesure d’un nouvel espoir italien". Une compétition que nous devons gagner, car "ce n’est pas vrai que nous savons seulement nous endetter et truquer tous les matchs de l’histoire au tabac du coin". Elle ne fait plus rire, l’idée que Gianluigi Buffon soit l’ange historique qui se dresse devant la rigueur d’un tir au but [en italien, tir au but se dit tiro di rigore, d’où l’abondance des jeux de mots dans la presse], ou que, plus encore que Mario Draghi ou Mario Monti, ce soit Mario Balotelli à qui l’on confie "l’étoile d’Italie" [symbole de la péninsule]. Ces comparaisons sont même devenues plus embarrassantes que les blagues de potache de Berlusconi.
Elles sont le symptôme de la même pathologie, ce besoin malsain d’échapper à la politique extérieure en se réfugiant dans la bouffonnerie et la raillerie. Le football est désormais devenu l’utopie du vaincu, dont le rachat ne peut-être qu’artificiel et provincial. Et même les grossièretés sur le physique d’Angela Merkel s’en trouvent réhabilitées par quelques intellos italiens qui carburent à la testostérone et aux cellules grises.
"Tirer la sonnette d'alarme"
Nous autres, Italiens, ne savons pas résister à la tentation d’une ânerie bien sentie. Mais aujourd’hui la phrase : "Voilà enfin une rigueur qui plaît à l’Italie" fait jeu égal (zéro partout, ah ah !) avec de vieilles expressions insupportables devenues archaïques comme "du côté de", "au jour d’aujourd’hui", "littéralement" ou "tirer la sonnette d’alarme". Les nouveaux tics des crétins cognitifs sont donc footballistiques, leur nouvel attirail linguistique est "eurocramponné" : "Exit Cameron, au tour de Merkel", "L’Angleterre est devenue méridionale"...
Ce réflexe inévitable, typiquement italien, de comparer la politique, l’économie, la littérature, l’histoire et même la philosophie et la morale aux stratégies du sympathique Prandelli, de concevoir chaque match de football comme une opposition entre deux civilisations, revient à respirer le même air vicié que tous les ans à l’approche du festival de Sanremo [festival de musique très populaire]. A l’instar de la chanson populaire qui a remplacé la littérature dans l’éducation, notre Pirlo équivaut à leur Bundesbank, Daniele De Rossi est l’image de notre emprunt d’Etat indestructible, et Gianni Rivera et Luigi Riva, qui s’imposèrent 4-3 [en demi-finale de la Coupe du monde 1970 face à la RFA], sont la mémoire de la Patrie, les Pères fondateurs de l’Europe, plus même qu’Altiero Spinelli, Ernesto Rossi et Alcide De Gasperi. Quant à la composition de cette équipe – Enrico Albertosi, Tarcisio Burnich, Giacinto Facchetti... –, elle mérite bien plus de figurer dans les livres d’histoire que l’annonce d’Armando Diaz [chef de l’état-major italien qui proclama la victoire contre l’Autriche-Hongrie le 5 novembre 1918].
Absence d'argumentation
Et qui sait quelles autres métaphores nous attendent au tournant, à présent que nous devons "briser les reins de nos soucis pour battre les marchés" et étaler "la solidité de notre défense et de notre milieu terrain aux yeux de la Bourse et des banques de Francfort". Transpirant de figures, d’hyperboles, de métonymies, de métasémèmes, de substitutions, de synecdoques, d’allégories et d’autres images, notre football est devenu le monde enchanté des hiérarchies renversées, l’alibi de l’incapable, le râle de l’exclu. Dans cette beuverie de ballon rond, notre exploit, forcément, "devra être historique".
Pire que les blagues de Berlusconi
Cette compétition n’est pas un événement joyeux, c’est "la vengeance de l’Europe du Sud sur les panzers au caractère vigoureux", où l’équipe de Cesare Prandelli [le sélectionneur de l’Italie] devra "prendre la mesure d’un nouvel espoir italien". Une compétition que nous devons gagner, car "ce n’est pas vrai que nous savons seulement nous endetter et truquer tous les matchs de l’histoire au tabac du coin". Elle ne fait plus rire, l’idée que Gianluigi Buffon soit l’ange historique qui se dresse devant la rigueur d’un tir au but [en italien, tir au but se dit tiro di rigore, d’où l’abondance des jeux de mots dans la presse], ou que, plus encore que Mario Draghi ou Mario Monti, ce soit Mario Balotelli à qui l’on confie "l’étoile d’Italie" [symbole de la péninsule]. Ces comparaisons sont même devenues plus embarrassantes que les blagues de potache de Berlusconi.
Elles sont le symptôme de la même pathologie, ce besoin malsain d’échapper à la politique extérieure en se réfugiant dans la bouffonnerie et la raillerie. Le football est désormais devenu l’utopie du vaincu, dont le rachat ne peut-être qu’artificiel et provincial. Et même les grossièretés sur le physique d’Angela Merkel s’en trouvent réhabilitées par quelques intellos italiens qui carburent à la testostérone et aux cellules grises.
"Tirer la sonnette d'alarme"
Nous autres, Italiens, ne savons pas résister à la tentation d’une ânerie bien sentie. Mais aujourd’hui la phrase : "Voilà enfin une rigueur qui plaît à l’Italie" fait jeu égal (zéro partout, ah ah !) avec de vieilles expressions insupportables devenues archaïques comme "du côté de", "au jour d’aujourd’hui", "littéralement" ou "tirer la sonnette d’alarme". Les nouveaux tics des crétins cognitifs sont donc footballistiques, leur nouvel attirail linguistique est "eurocramponné" : "Exit Cameron, au tour de Merkel", "L’Angleterre est devenue méridionale"...
Ce réflexe inévitable, typiquement italien, de comparer la politique, l’économie, la littérature, l’histoire et même la philosophie et la morale aux stratégies du sympathique Prandelli, de concevoir chaque match de football comme une opposition entre deux civilisations, revient à respirer le même air vicié que tous les ans à l’approche du festival de Sanremo [festival de musique très populaire]. A l’instar de la chanson populaire qui a remplacé la littérature dans l’éducation, notre Pirlo équivaut à leur Bundesbank, Daniele De Rossi est l’image de notre emprunt d’Etat indestructible, et Gianni Rivera et Luigi Riva, qui s’imposèrent 4-3 [en demi-finale de la Coupe du monde 1970 face à la RFA], sont la mémoire de la Patrie, les Pères fondateurs de l’Europe, plus même qu’Altiero Spinelli, Ernesto Rossi et Alcide De Gasperi. Quant à la composition de cette équipe – Enrico Albertosi, Tarcisio Burnich, Giacinto Facchetti... –, elle mérite bien plus de figurer dans les livres d’histoire que l’annonce d’Armando Diaz [chef de l’état-major italien qui proclama la victoire contre l’Autriche-Hongrie le 5 novembre 1918].
Absence d'argumentation
Toute cette mascarade ne se joue pas dans les brasseries, les stades ou les salons de coiffure, mais bien au Parlement, dans les rédactions des plus grands journaux, dans les conseils d’administration et dans les salons feutrés des sherpas dont le devoir devrait être de promouvoir une image triomphante de l’Italie à l’étranger.
Bien trop d’intellectuels italiens ont recours à cet artifice, à cette débauche de métaphores, cet abus d’hyperboles. Bastian Schweinsteiger comparé à Martin Heidegger, Pirlo à Cavour, ou encore Diamanti à Garibaldi et Fernando Torres à García Lorca... Depuis deux jours, dans les journaux, à la télé et sur Internet, cette rhétorique nationale-populaire triomphe, mais elle cache en réalité une absence totale d’argumentation et fait définitivement basculer notre sport adoré dans l’univers perdu de la camelote. Et encore, il lui manque l’ironie géniale des supporters napolitains qui, pour manifester leur joie d’avoir remporté le Scudetto [en 1987, quand le club de Naples est devenu champion d’Italie pour la première fois], avaient écrit sur le mur du cimetière de Poggioreale : "Vous ne savez pas ce que vous manquez".
Voilà : le football métaphorique, dérobé aux vrais supporters, n’est qu’une idiotie qui progresse. Et le match Italie-Allemagne, transformé en Kulturkampf pédant, est comme la pipe de Magritte : "Ceci n’est pas un match".
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