L’image n’est pas fréquente : à l’issue d’une première journée de réunion des ministres des Finances de l’UE à Dublin, six d’entre eux, ceux des principaux pays de l’UE, se sont retrouvés pour une conférence de presse commune pour affirmer leur détermination à s’attaquer au secret bancaire en Europe. Le sujet devrait occuper la majeure partie de leur réunion de samedi, selon une source diplomatique européenne.

Vers une nouvelle législation sur le modèle du Fatca américain

A la suite des révélations du Offshoreleaks sur des détenteurs de comptes dans des paradis fiscaux, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont écrit cette semaine à la Commission européenne pour réclamer une nouvelle législation sur le modèle du Fatca américain. La Pologne a rejoint l’initiative vendredi. La Belgique ?… Silence radio jusqu’à ce jour.
Le Facta, qui permet d’obtenir toutes les informations sur tous les comptes bancaires, les placements et les revenus à l’étranger de tous les contribuables américains, va plus loin que les règles actuelles de l’UE.

« L’idée, c’est de commencer avec un petit groupe »

Pour le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, « il y a un vent qui souffle dans l’UE pour lever les opacités, les obstacles que peut receler le secret bancaire ». Les six grands pays espèrent rallier à leur cause le reste des 27 pays de l’UE.
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, annonçait quelques heures plus tôt que l’évasion fiscale figurerait au menu du prochain sommet européen du 22 mai : « Il faut saisir l’élan politique actuel pour traiter ce problème crucial ».
Le ministre allemand, Wolfgang Schäuble, s’est dit «  très heureux de cette initiative commune » et a souhaité que cet échange d’informations « soit étendu à tous les types de revenus du capital ». « C’est un projet ouvert, à la fois en termes de contenu et de pays », a ajouté le ministre espagnol Luis De Guindos, tandis que leur collègue italien Vittorio Grilli a dit espérer « créer une dynamique en Europe ».
« Comme pour la taxe sur les transactions financières, comme pour tout ce qui doit être à 27, l’idée c’est de commencer avec un petit groupe, puis ça entraîne le mouvement », a résumé une source diplomatique européenne, d’autant que ce thème sera aussi abordé lors des prochaines réunions du G8 et du G20.

L’Autriche refuse toujours la levée du secret bancaire

En Europe, un changement est déjà perceptible : sous pression de ses partenaires européens et surtout des Etats-Unis, le Luxembourg vient d’accepter de lever partiellement le secret bancaire en se ralliant à l’échange automatique de données bancaires pour les particuliers à partir de 2015, notamment sur les revenus de l’épargne.
Reste le bastion autrichien : le chancelier social-démocrate Werner Fayman s’est dit prêt à négocier la levée du secret bancaire pour les résidents étrangers, mais sa ministre des Finances, la conservatrice Maria Fekter, assure que Vienne « tiendra bon sur son secret bancaire », en rappelant qu’il est inscrit dans la Constitution.
Quant à la solution qui consisterait à abandonner la règle de l’unanimité en Europe pour les questions fiscales, elle « nécessiterait un changement de traité », toujours délicat, a fait valoir M. Schäuble.

Le Royaume-Uni pointé du doigt par l’Autriche

Mme Fekter a contre-attaqué en estimant qu’il fallait « assécher les vrais paradis fiscaux dans la sphère de l’UE ». Elle a pointé du doigt le Royaume-Uni, qui «  a de nombreux paradis fiscaux sous sa juridiction directe », en citant « les îles anglo-normandes, Gibraltar, les îles Caïmans, les îles Vierges » britanniques, qui sont selon elle « les vrais points chauds du blanchiment d’argent et de l’évasion fiscale ».
Le ministre britannique, George Osborne, signataire de la lettre des Six, a reconnu que combattre l’évasion fiscale était « un défi », tout en estimant que les endroits permettant d’échapper à l’impôt « sont de plus en plus rares et de plus en plus petits ». Il a souligné que son gouvernement négociait avec les territoires en question pour tenter de les convaincre de mettre fin à l’opacité bancaire.
En clair, si quelques pays saisissent l’élan pour lutter contre l’évasion fiscale, la route risque d’être encore longue avant que tout le monde ne s’accorde…