Supports papier et électronique, tout doit être détruit. La menace qui pèse sur Mediapart ne porte pas seulement sur les articles rédigés par la rédaction du site. Les centaines de milliers de commentaires des abonnés du site doivent également être effacés. Autrement dit, un coup d’épée dans chaque mot, chaque phrase, chaque citation, chaque article sur l’affaire la plus retentissante du quinquennat Sarkozy.
Versailles a donné huit jours à Mediapart, soit jusqu’à ce jeudi à minuit, pour effacer les contenus incriminés. Sans quoi le site d’information se verra infliger une amende de 10.000 par euros par jour de retard et par infraction constatée. Sachant que Mediapart compte 894 articles sur le sujet, répandus sur 1.615 blogs, l’addition s’élèverait à plus ou moins 25 millions d’euros par jour. Inutile de préciser que Mediapart ne les possède pas. Le site d’information est également contraint de verser à Liliane Bettencourt 20.000 euros pour « réparation du préjudice moral » et 1.000 à Patrice de Maistre, son gestionnaire de fortune inculpé pour traffic d’influence.
En prenant une telle décision, le tribunal ne pénalise pas seulement Mediapart. Il procède à une extension que beaucoup de professionnels et de juristes considèrent comme irrationnelle de la protection de la vie privée, au prix de la liberté de presse et d’expression. Mais la justice a des limites que le numérique ne connaît pas. Cette entrave pourrait bien provoquer un « effet Streisand », ce phénomène selon lequel la tentative d’étouffement d’une information sur internet ne fait que décupler sa diffusion. Des sites comme Rue89, Arrêt sur image et Libération, mais aussi Le Soir, ont déjà proposé d’héberger ces enregistrements. D’autre part, l’intégralité des articles liés à l’affaire Bettencourt publiés par Mediapart et des copies des enregistrements sont visibles et téléchargeables sur The Pirate Bay.
La seule alternative à un étouffement de Mediapart, ou de toute information ultérieure sur l’affaire, serait que la famille Bettencourt suspende sa requête, en attendant le pourvoi en cassation introduit par Mediapart. Un scénario plutôt improbable, semble-t-il...
Mediapart tient une conférence de presse, ce jeudi à 11h30 dans les locaux de Reporters sans frontières, où sont représentés de nombreux médias français et étrangers, qui se sont joints à l’appel en faveur du droit à s’informer lancé par le site dirigé par Edwy Plenel.